VALENTIN DÉTECTIVE

25. PETITES AVANÇÉES

Vautré dans un fauteuil face au téléviseur qui diffusait un film choisi par ses grands-parents, nullement intéressé, les yeux dans le vague, Valentin ressassait leur plan hasardeux. « D’un côté si nous trouvons quelque chose, ce sera vraiment un coup de chance et d’un autre côté, si nous ne trouvons pas le moyen de faire arrêter ces deux types, Amandine ne sera plus jamais tranquille. Je me demande si Lemoine a du nouveau… »
— Ce film ne me passionne pas, je vais me coucher, annonça-t-il, bisous, à demain.

Comme la veille, il arriva en avance au collège. Comme la veille, Bouboule et Eva, inséparables, furent également les premiers du groupe à se présenter près du portail. Après les salutations d’usage, Eva toucha le bras de Valentin.
— J’ai montré la photo à ma mère mais elle ne se souvient pas avoir vu ce type dans le supermarché, ce qui ne veux pas dire qu’il n’y va pas, bien sûr. Désolée pour cela, Val. Par contre, j’ai un indice sur l’autre type, celui que nous avons épié avant-hier. Quand vous étiez partis inspecter le parking de la plage, je suis restée à côté des vélos. Il est passé tout près de moi sans me reconnaitre, et bien je peux te dire qu’il sentait le chien. Ou ce type possède un chien, ou il fréquente des gens qui ont un chien ou il travaille dans un chenil.
— Eva a le nez très fin, tu peux la croire, compléta Bouboule.
— Je crois toujours Eva quand elle dit quelque chose. Merci ma belle. Malheureusement cela ne va pas nous être d’une grande utilité dans l’immédiat, mais cela complète un peu son portrait.
— Alors, qu’est-ce qu’on va faire maintenant pour Amandine ? s’inquiéta Eva.
— Continuer à naviguer, ouvrir les yeux. Attendons les autres, ils auront peut-être quelque chose. Tenez, voici Florian. Alors Flo, du nouveau ?
— Pas grand-chose. Salut vous trois. Hier j’ai questionné la caissière de la station-service du supermarché de Ville Semnoz. Elle ne se souvient pas avoir vu le mec de la photo. J’ai découpé la feuille que tu m’as donnée et je lui ai filé la tronche du mec avec mon numéro. Elle me téléphonera éventuellement. Avant ça, j’avais interviewé l’amie de mes parents à la caisse centrale. Elle a longuement hésité devant ton papier, comme si elle reconnaissait, puis elle a secoué la tête. Elle a dit que la photo lui rappelait un homme mais que ça ne pouvait pas être lui car l’autre a une tache rouge sur la joue gauche qui n’apparait pas sur l’image.
— Une tache comment ? Où exactement ? Elle te l’a dit ?
— Avec son crayon… heu, passe-moi ta feuille Bouboule, merci, elle a pointé là dit-il en touchant la photo du visage entre la narine gauche et la pommette : une petite tache rouge violet d’un centimètre à peu près, en forme de haricot.
— Voilà tout de même qui est intéressant. Il s’agit sûrement d’une tache de naissance mal placée et cela ne s’efface pas. Je vais retoucher l’image. De mon côté, rien de nouveau, malheureusement. Avec Charly, j’ai sillonné la zone artisanale dans tous les sens sans rien remarquer.
— Tiens, fit Bouboule toujours observateur, les jumelles sont dépareillées aujourd’hui, il en manque une. Question à deux euros, laquelle ?
— Océane, prononça Valentin.
— Vérification, s’immisça Florian. Avec un grand geste du bras, il héla : Marine, viens voir.
La jeune fille s’avança vers les quatre.
— Vous voulez des nouvelles d’Océane ? Elle va mieux mais le médecin l’a dispensée de collège aujourd’hui. Merci encore Valentin, je te donnerai des nouvelles.
L’arrivée de Mathilde bientôt suivie de Quentin coupa court aux questions qu’allait inévitablement poser Bouboule avec sa finesse habituelle.
— Alors Mathilde, quelque chose de neuf ?
La jeune fille secoua négativement la tête. J’ai sillonné tout le quartier du Berlet et rien.
— Ah, voici Pauline, fit Florian. Quentin, aujourd’hui tu n’es pas le dernier. Du nouveau Pauline ?
— Non, pas vraiment. Je suis restée plus d’une heure à la fenêtre de ma maison, celle qui donne sur la route. J’ai bien vu trois fourgons blancs monter vers le col mais je n’ai pas eu le temps de noter la marque ni l’immatriculation. Je peux juste dire que l’un d’eux avant une inscription sur le côté, quelque chose comme « Peinture » et autre chose. Aïe, la sonnerie, et bien sûr on a encore maths !
— Tu as appris par cœur la leçon sur les angles ?
— Oui, le par cœur j’y arrive mais après je ne sais pas l’appliquer.
— Ne stresse pas, je t’aiderai.

À la récréation de dix heures, Marine s’empressa de rejoindre Valentin.
— Je n’ai pas voulu te le dire devant les autres mais mes parents désirent te voir ce soir si tu veux bien. Ils veulent te dire merci pour ce que tu as fait hier. Le médecin a dit qu’il est possible que tu aies sauvé la vie de ma sœur. Tu voudras venir ?
— Ce soir, non, mais à cinq heures, cela m’est possible. Bon, est-ce que maintenant vous êtes décidées à réfléchir au moins un peu avant d’agir et à ne pas prendre pour argent comptant tout ce qu’on vous dit ? Surtout quand ça vient de votre bande de bras cassés.
Marine hocha plusieurs fois la tête en signe d’assentiment.
— Promis Valentin. Tony veut recommencer mercredi mais nous, on ira pas.
— Vous prenez qui vous voulez pour amis, mais la bande à Tony et Morgane ne vous a pas trop réussi, alors tirez-en de bonnes conclusions. Ah, et puis dis plutôt « nous, nous n’irons pas. » Je ne sais plus qui mais un jour j’en entendu quelqu’un dire : « on est un con. » Pardon pour la citation. À cet après-midi.