Les six avaient déjà parcouru cinq kilomètres, la pente n’excédait pas trois pour cent mais Margot, sur l’ancien vélo de la grand-mère de Valentin, haletait.
— Tu veux faire une pause ? On peut s’arrêter deux minutes, proposa Olivier.
— Non, mais je vais ralentir un peu.
— J’ai envie d’essayer un truc, continua le garçon, roule à ton rythme.
Il se laissa distancer d’une quinzaine de mètres, changea de pignon au dérailleur puis fonça au maximum de la possibilité de ses jambes. Arrivé au niveau de la fille, il mit la main droite sur son dos et poussa énergiquement son amie qui accéléra sans effort sur plus de cinquante mètres.
— Ah oui, ça fait du bien, remercia Margot, j’avais l’impression que mes cuisses avaient doublé de volume !
— Ça serait dommage, flatta Florian. À moi de te donner de l’élan.
— Merci Flo, c’est bien d’avoir la force d’un garçon.
— À mon tour maintenant proposa Quentin en arrêtant de pédaler.
— Lors du Tour de France, vous prendriez des pénalités, aussi bien la poussée que les pousseurs, expliqua Gilles. Bon ceci dit, je suis d’accord pour prendre une amende moi-aussi.
Quand les cinq garçons eurent aidé la jeune fille et plusieurs fois recommencé, ils arrivèrent au replat annonçant l’arrivée au col. Tous mirent pied à terre.
— Répartition des rôles maintenant, orchestra Gilles. À droite vers le village de Lachaux, qui ? Flo et Quentin, OK. Tout droit, la descente vers le pont du diable ? Olive et Margot, très bien, donc Val et moi, on va vers Bellecombe et le Montoz.
— Les premiers qui repèrent un indice préviennent aussitôt, d’accord ? enchaina Valentin. Si nous n’avons rien trouvé dans une heure, demi-tour et rendez-vous ici. Allez c’est parti.
Un petit quart d’heure plus tard, exceptés ceux de Margot et Olivier, les téléphones émirent leur jingle indiquant l’arrivée d’un message vocal. Il émanait de la jeune fille et disait : « Dans la descente, quatre cents mètres après le col à peu près, dans une grange sur la gauche, il y a quelque chose. On n’est pas allé voir de près car il y avait un paysan pas loin. Qu’est-ce qu’on fait ? »
Par le même moyen de communication, Valentin répondit : « Remontez vers le col. Nous nous rassemblons. »
— Expliquez-nous bien ce que vous avez remarqué, demanda Valentin quand ils furent de nouveau ensemble.
— Donc il s’agit d’une grange ou plutôt d’une grande remise pour engins agricoles, expliqua Olivier. D’abord je n’ai rien vu mais Margot m’a fait remarquer que, derrière un vieux tracteur, il y avait un véhicule blanc. On s’est arrêté et j’ai fait semblant de trafiquer mon dérailleur pendant qu’elle s’avançait dans la prairie vers cette remise.
— Je n suis pas allée bien loin, continua la jeune fille, juste assez pour voir qu’il y avait quelque chose d’écrit sur le côté d’un fourgon. J’ai fait semblant de cueillir une fleur puis j’ai fait demi-tour et on a continué à descendre.
— Peut-être que ce n’est pas celui-là, raisonna Quentin, mais dans ce cas, pourquoi le dissimuler ?
— Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? interrogea Gilles, si on va fouiner et que quelqu’un nous voit, cela va éveiller des soupçons.
— Dans ce cas nous ne pouvons rien faire de plus tant qu’il fait jour, émit Valentin après quelques secondes de réflexion. Vous voulez continuer à vous balader ou bien redescendre ?
— Redescendons, dit Quentin, nous déciderons avec les autres s’il faut parler tout de suite aux gendarmes et ce qu’on peut leur dire.
— Attendez, freina Margot, on a la photo d’un des types et son nom. On pourrait poser des questions. Il y a trois maisons un peu plus loin que la grange.
— Certes, mais pas en groupe, et pas toi ni moi, objecta Olivier. Il ne faut pas se faire remarquer et nous avons peut-être été repérés.
— Alors qui ? demanda Quentin.
— J’y vais, décida Gilles.
— Moi, il faut que je rentre, samedi c’est le jour où je m’occupe de la comptabilité de mon père. Il faut que je l’aide car il a beaucoup de travail sur le terrain, s’excusa Margot.
— Je t’accompagne, dit Olivier, je ne veux pas te voir rentrer seule, surtout après ce qui est arrivé à Amandine.
— Attendez, intervint Florian, avant de démarrer, dis-moi Olive, l’entrée de votre grange est bien orientée vers la route ?
— Oui, c’est ça. Il y a comme un large chemin caillouté qui y mène depuis la route. Elle est à quatre cents mètres à peu près, on la distingue d’ici.
— Voici ce que je vais faire : la route qui va vers Bellecombe et le Montoz est parallèle à celle qui descend vers la grange. Je vais la prendre. Quand je serai à son niveau, je couperai à travers la prairie pour arriver par derrière et me faufiler dedans. Comme ça nous serons fixés.
— Et si tu te fais choper ? objecta Quentin.
— Dans ce cas : un, je joue les imbéciles et deux, je me sauve en courant. Ce n’est pas un paysan qui va me rattraper.
— Je vois que tu es décidé, alors je vais avec toi, au moins pour garder ton VTT.
— Moi, j’attends Gilles ici, conclut Valentin.
Il n’eut pas à attendre trop longtemps, il n’était pas encore midi que Gilles revint, un peu essoufflé par la remontée qu’il venait de faire.
— Alors ? As-tu du nouveau ?
— Oui et non. J’ai pu questionner une fille, à peu près comme une fille de sixième, qui jouait devant une maison. Elle n’a pas reconnu la photo mais elle m’a dit qu’à Lachaux il y a des hommes qui louent une petite maison tout au début du village. C’est tout. Et Florian ?
— Regarde vers le sud-ouest, je crois qu’ils reviennent.
— Bonne pêche ? demanda Gilles quand ils furent rejoints.
— J’ai ferré une grosse truite ! s’amusa Florian : Plâtrerie Peinture Lepraz et fils, ça vous dit quelque chose ?
— Ça y est, on les tient ! triompha Gilles. Si leur fourgon est là, c’est probablement eux qui louent une maison à l’entrée de Lachaux. On informe Lemoine ?
— C’est encore trop tôt à mon avis, estima Valentin. Il faut absolument qu’ils ne se doutent de rien et si l’adjudant-chef organise une opération qui par malheur n’aboutit pas, les oiseaux s’envoleront mais nos soucis resteront.
— Est-ce qu’on ne pourrait pas passer devant la maison en question histoire de se rendre compte ? insista Gilles.
— Comme toi j’aimerais bien que nous ayons une certitude à ce sujet mais si nous avons été remarqués, nous revenons au problème précédent. N’oublie pas que nous avons été observés à la jumelle. Pensez aussi que nous sommes à la campagne et que là, tout se voit et tout se sait. S’ils ont des soupçons, ces malfaisants vont s’évanouir dans la nature. Écoutez, redescendons et demandons à Charly de nous recevoir tous en fin d’après-midi.
— Tu l’appelles ? demanda Quentin.
Valentin sortit son smartphone, ouvrit la liste de ses contacts et toucha la photo de Charly.
« Salut Charly, est-ce que tu pourrais organiser la réunion de tout le groupe par exemple cet après-midi vers quatre heures ? Comment ? Ah bon, oui bien sûr. Demain matin dix heures, entendu, je fais passer le message. »
— Bon les gars, Charly est indisponible aujourd’hui, une obligation familiale, donc vous avez entendu, revoyons-nous tous demain matin. Allez, redescendons.