VALENTIN DÉTECTIVE

32. STRATAGÈME

Valentin occupa les deux premières heures de cours de la matinée de lundi à imaginer un plan pour obtenir les renseignements qui leur manquaient encore, se faisant reprendre à plusieurs reprises pour inattention en math et en anglais, pourtant ses deux points forts. À la récréation, quand tous furent installés sur la pelouse desséchée près de leur banc, Gilles prit la parole.
— Les amis, je pense qu’il devient urgent de neutraliser les deux malfaisants qui ont enlevé Amandine. Je crains qu’ils aient remarqué nos allers et venues et qu’ils décampent d’ici. Oui Pauline ?
— J’approuve ce que tu dis. Mais si ces deux-là disparaissent dans la nature, Amandine ne pourra jamais guérir dans sa tête. Je suis allée la voir hier matin, Elle, toujours si dynamique, est maintenant prostrée, elle ne veut plus sortir, persuadée que ses ravisseurs vont remettre ça. Il faut que la gendarmerie intervienne de toute urgence.
— Étudions d’abord si on peut les bloquer là-haut. Il faudrait pouvoir immobiliser leur véhicule. À pied, ils ne pourront pas aller bien loin, dit Charly.
— C’est fait ! triompha Florian.
— Qu’est-ce qui est fait ? s’étonna Olivier.
— J’ai immobilisé leur caisse. Dès qu’ils vont faire le premier tour de roue, leurs pneus avant gauche et arrière droit vont crever ou éclater. Je vous raconte…
Quand Florian eut fini son exposé, Valentin tordit un peu le nez de contrariété.
— Ce n’est pas bien ce que j’ai fait ? s’étonna Florian.
— C’est très bien, très courageux, très bien pensé et sûrement très bien réalisé mais trop prématuré. Imagine qu’en ce moment précis ils veulent par exemple renouveler leurs provisions ou je ne sais quoi, ils vont trouver les roues de leur fourgon crevées et vont forcément se douter de quelque chose.
— Pas sûr, contra Emily, les trucs que Florian a utilisés, la vieille marouflette cassée et le clou de machin tout rouillé, ça se trouve dans toutes les granges du monde. Ils penseront à un coup de malchance.
— Possible que oui, mais dans le cas contraire, le coup peut être difficile à rattraper. Ce qu’il faut nous demander maintenant, c’est, que ferions-nous si nous étions à leur place ? exposa Valentin.
— D’abord, est-ce que le Trafic Renault possède une roue de secours…
— La réponse est oui, coupa Florian. En réfléchissant à ce que je voulais faire, je me suis posé la question et internet m’a donné la réponse.
— Donc ils n’ont qu’une roue à faire réparer avant d’être à nouveau opérationnels. Où peuvent-ils faire réparer ?
— Il n’y a pas de garage là-haut, expliqua Gilles, c’est soit ici à Saint Thom, soit à Ville Semnoz, soit de l’autre côté du col, à Escorchevel.
— À moins qu’ils réparent eux-mêmes, pensa tout haut Mathilde.
— Il faut être équipé en matériel de garage pour démonter des pneus de fourgon et encore, ce n’est pas évident, expliqua Olivier.
— Quand j’étais là-haut cette nuit, j’ai entendu aboyer des chiens. Je crois qu’ils m’avaient senti. S’ils possèdent un chien, ils vont être difficile à approcher.
— Eva a remarqué que celui qui s’appelle Mat sentait le chien, un peu comme toi Gilles. Eva possède un nez très fin, dit Bouboule toujours soucieux de mettre en avant son amie de cœur.
— Il a pu simplement jouer avec un clebs de ferme, ça ne manque pas à la campagne, alors que moi, je suis propriétaire de mon chien Zoreille, se défendit Gilles.
— Que fait-on alors ? demanda Quentin.
Valentin se décida à expliquer son plan échafaudé pendant les deux cours de l’avant-récréation.
— Il faut encore patienter un peu. J’attends un SMS qui va je l’espère me donner le numéro de portable du grand, Freddy Champex, il s’appelle.
— C’est une avancée, ça ? demanda Charly. On ne va pas l’appeler et lui dire « Haut les mains, rendez-vous, vous êtes cernés, attendez que la gendarmerie vienne vous chercher ! »
— J’y avais déjà réfléchi une partie de la nuit, pendant que Florian faisait du sport. Avec le numéro de ce Freddy, nous allons pouvons obtenir celui de son complice, celui qui se fait appeler Mat. Du même coup, nous allons pouvoir déclencher chez eux une tentative de fuite et leur arrestation par Lemoine and Co. Je pensais que cela se ferait samedi après-midi et que nous pourrions assister à l’halali mais là, il ne faut plus attendre. L’opération doit avoir lieu cet après-midi.
— Mais on a cours ! Ce n’est pas possible, objecta la loyaliste Eva.
— Voici mon plan, continua Valentin qui venait de sentir une double vibration de son téléphone dans sa poche de bermuda, vous me direz si vous êtes d’accord ensuite. Pour le réaliser, j’ai besoin de ta belle voix grave Olivier, la mienne n’est pas crédible, serais-tu d’accord ?
— C’est pour Amandine, alors oui, vas-y expose.
— Pour faire simple, quand je te ferai signe, tu appelleras le numéro que je vais te donner et tu te feras passer pour le bras droit du commanditaire de l’enlèvement.
— C’est quoi un commanditaire ? voulut savoir Emily la presque Anglaise.
— C’est le donneur d’ordre, celui qui a commandé à ces deux guignols d’enlever une jolie fille. Cela aurait pu tomber sur n’importe laquelle d’entre vous, ce n’était pas forcément Amandine qui était ciblée mais c’est elle qui a été repérée. Donc Olivier demandera à Freddy de lui passer Mat en prétextant par exemple qu’il n’a pas son bon numéro de téléphone.
— S’il demande qui je suis ? s’inquiéta Olivier.
— Tu répondras d’un ton excédé, par exemple : c’est moi le nouvel intermédiaire de qui tu sais. Appelle-moi X2. Vous avez reçu une confortable avance pour un travail qui n’a pas été exécuté alors X1 n’est pas content du tout. Tu demanderas à Mat d’épeler son nom et son numéro. Tu diras ensuite que tu leur donnes une semaine pas plus pour qu’ils livrent la marchandise.
— Comment as-tu fait pour avoir le numéro de ce Freddy ? demanda Mathilde à qui ce point n’avait pas échappé.
— J’ai promis de ne jamais divulguer ma source car ce n’est pas légal, s’excusa Valentin. Olivier tu diras ensuite à Mat que tu les rappelleras dans la soirée pour de nouvelles instructions. Ceci les bloquera peut-être un peu sur place. Moi, je vais prendre mon après-midi et aller voir l’adjudant-chef Lemoine pour tout lui expliquer. Il va probablement me savonner la tête mais il sera quand même obligé d’agir, de monter une souricière autour de la remise agricole. Il ne voudra pas m’emmener mais je ne veux pas rater ça. J’ai mon VTT et de bonnes jambes en ce moment, je serai peut-être même là-haut avant eux. Olivier, pour finir, il est probable que Lemoine acceptera la suite de mon plan qui est de les obliger à déguerpir au plus vite. Quand je t’appellerai, tu les sonneras pour leur dire simplement : « c’est X2, tout est découvert, barrez-vous ! » et tu couperas la communication. Ils vont se précipiter vers leur fourgon et se faire cueillir comme des fleurs. Fleurs que nous devons bien à Amandine, n’est-ce pas ?
— Je vais avec toi ! voulut s’imposer Charly juste au moment où la sonnerie de reprise des cours retentissait.
— Non mon vieux, je sais bien que tu as toutes les bonnes raisons du monde de t’investir mais tu as déjà séché un après-midi. Il vaut mieux que je sois seul et discret, sinon Lemoine va se fâcher tout rouge. Allez, il faut aller en cours de SVT, je vois mademoiselle Fontaine qui s’impatiente.