VALENTIN DÉTECTIVE

6. PREMIERS RENSEIGNEMENTS

Après les deux heures de cours de ce jeudi après-midi, les amis se réunirent une fois de plus près de leur banc.
— Nous disposons de dix minutes avant la fermeture du portail, commença Valentin. Quelqu’un a-t-il une idée pour tenter de retrouver Amandine ?
Bouboule leva le smartphone d’occasion dont il était si fier.
— D’abord je suggère de créer un groupe WhatsApp de façon à tenir tout le monde au courant en même temps si quelqu’un trouve un indice.
— Génial Bouboule, faisons ça, approuva Gilles, envoie un message à tout le monde pour lancer les invitations.
Eva et Lucie secouèrent leur tête en montrant ostensiblement leurs antiques téléphones à clapet.
— Pas d’inquiétude, si vous êtes en groupe, vous le saurez par les autres et si vous ne l’êtes pas, on vous préviendra en vous appelant directement, rassura Gilles.
— Une autre idée ? demanda Valentin.
— Oui, dit Olivier, si ce soir on n’a rien de nouveau et si demain il faut attendre la fin de la journée pour continuer les recherches, c’est trop de temps perdu. Demain, moi, je vais faire comme Charly, je vais sauter les cours de la matinée pour faire le parcours que mon groupe aura défini ce soir et interroger les gens. Quelqu’un pour m’accompagner ?
— J’irai avec toi, décida Margot. Dieu sait ce qui peut arriver à Amandine, le temps joue contre elle et contre nous, tant pis pour les cours, on trouvera une excuse.
— Bravo Olivier, bravo Margot, félicita Florian, vous prenez des risques pour notre amie. Moi aussi je vais vous accompagner…
— Non Flo, tempéra Valentin, trop d’absents en classe en même temps semblerait louche et pourrait se retourner contre notre projet. Vendredi après-midi si tu veux.
— Mais on a gym l’après-midi, c’est embêtant… Le prof a dit qu’il comptait sur moi pour démontrer les gestes spéciaux du hand-ball comme le lobe, le tir harpon, la roucoulette, et le kung-fu. Si je ne suis pas là, il voudra savoir pourquoi.
— Tu as raison Flo, dit Quentin. Je vais te remplacer, qui avec moi ?
— Je suis volontaire pour aller avec toi, décida Pauline.
— Bien conclut Valentin, peut-être que nous faisons cela pour rien mais si nous n’avons pas de nouvelles favorables de la sœur d’Amandine et si nous n’avons récolté aucun indice déterminant demain disons à cinq heures, je propose que nous nous rassemblions chez moi, ou sur la pelouse de Charly s’il est d’accord, pour décider de ce que nous pouvons encore faire. Allez, il faut sortir, la surveillante regarde vers nous. Allons le rejoindre au portail pour la distribution des photos.

Olivier et Margot avaient décidé de suivre en vélo le grand circuit qu’ils avaient établi la veille, à partir des jeux pour enfants du centre village, direction sud vers le terrain junior de basket et hand en empruntant la rue de la prairie puis le large chemin de terre jusqu’au premier camping et enfin la piste cyclable. Après quelques questionnements infructueux, arrivés au mini terrain de sport, ils avisèrent deux garçons de seize ou dix-sept ans qui s’entrainaient au basket en dépit de l’heure matinale. Descendant de leurs bicyclettes, ils s’accoudèrent à la barrière limitant le petit terrain et pendant quelques minutes regardèrent les jeunes tirer au panier. Olivier attendit que l’un d’entre eux réussisse un tir spectaculaire pour s’écrier : « Ouais, pas mal ! » Au tir réussi suivant, Margot se mit à applaudir. Les deux grands s’arrêtèrent et demandèrent : « Vous voulez jouer avec nous ? »
— C’est sympa, merci mais en fait on n’a pas trop le temps. Vous jouez souvent ici ?
— Oui, mais surtout l’après-midi. Aujourd’hui c’est exceptionnel, on n’a pas cours ce matin.
— Tenez, pendant que j’y pense, vous n’auriez pas vu passer ma copine, dit Margot en sortant la photo d’Amandine fournie par Charly.
— Montre mieux, dit le plus grand en saisissant le cliché. Si, j’ai déjà vu cette fille mais pas aujourd’hui. Elle est passée l’autre jour en courant direction la plage.
— C’était quand ? Mercredi ?
— Non, avant ça, lundi ou mardi. Attends… Oui, c’est ça, lundi. Lundi après cinq heures, j’en suis sûr.
— Sympa, remercia Margot en reprenant la photo. Nous viendrons jouer avec vous un de ces soirs, au revoir.
— Salut les gars, dit Olivier, à plus…
Remontant sur leurs vélos, ils roulèrent sur la petite route en descente jusqu’au rond-point permettant de traverser la grande départementale et d’accéder à la route de la plage près du château. Là, Margot demanda à son ami de s’arrêter.
— On a un premier renseignement, il faut le dire aux autres.
— Un renseignement inutile, il ne s’est rien passé lundi pour Amandine.
— Peut-être, mais cela va nous permettre d’éliminer ce parcours-ci puisqu’elle change chaque jour.
— Tu as raison, mais finissons d’abord le circuit., on aura peut-être d’autres témoignages.
Après beaucoup de réponses négatives sur l’itinéraire de retour, ils recueillirent un second renseignement en traversant le camp scout. Une dame âgée promenait ses deux petits chiens en leur parlant comme à des enfants.
— Bonjour madame, dit Margot en arrêtant sa bicyclette, ils sont mignons vos petits chiens, ils ont l’air gentils. C’est quelle race ?
La dame regarda les deux adolescents d’un air refrogné pendant quelques secondes puis son visage s’adoucit et elle répondit :
— Ce sont des Yorkshire-Terrier, des chiens gentils et très intelligents. Vous aimez les chiens ?
— Oui, beaucoup, répondit Olivier en sortant la photo d’Amandine.
— Madame, poursuivit Margot, peut-on vous demander quelque chose ? Vous promenez souvent vos deux compagnons par ici, n’est-ce pas ?
— Quatre fois par jour, ils ont besoin de sortir.
— Est-ce que vous avez déjà vu passer notre amie dans le camp scout ?
— C’est elle, compléta Olivier en montrant la photo.
— Arrêtez de tourner autour de moi mes chéris, dit d’abord la dame en démêlant ses deux laisses et en les faisant passer dans sa main gauche tandis qu’elle saisissait dans l’autre main la photo que lui tendait Olivier avec un sourire. Oui, je crois bien l’avoir vu courir par ici, mais elle n’était pas habillée comme ça, elle avait une tenue un peu trop collante j’avais trouvé.
— Est-ce que vous vous rappelez la dernière fois que vous l’avez vue ? questionna Olivier en adoucissant sa voix grave.
— Il y a trois ou quatre jours.
— Donc lundi ou mardi, précisa Margot, vous ne l’avez pas vue depuis ?
— Non, pourquoi demandez-vous tout ça ?
— Oh, comme ça, enchaina Olivier. On a parié avec elle qu’on trouverait son itinéraire. Elle courait dans quelle direction ?
— Elle remontait vers le centre village.
— Merci bien madame. Ils sont adorables vos chiens. Au revoir et bonne journée, sourit Margot.
Lorsqu’ils furent arrivés au niveau du passage sous la grande départementale, Olivier remarqua :
— Je crois que nous avons bien reconstitué un de ses parcours. Elle l’a emprunté lundi, donc ce n’est pas sur celui-ci qu’il lui est arrivé quelque chose.
Le visage de Margot se chiffonna, au bord des larmes, elle demanda à son ami :
— Tu crois qu’elle est encore vivante ? Tu crois qu’on la retrouvera ?
— Oui, Amandine est une fille solide et qui ne se laisse pas faire. Il y a forcément quelqu’un quelque part qui a vu quelque chose. On interrogera tout le village s’il le faut mais on trouvera.