VALENTIN ET LA NOUVELLE

16. COGITATIONS

Dans le taxi qui les ramenait à Saint Thomas, Valentin rédigea un simple texto à l’intention de Jade : Guéris vite.
— Je te mets en copie, expliqua-t-il à Gilles, comme ça elle aura un début de conversation pour nous envoyer sa liste de soupirants passés et présents.
— Il est cinq heures et demie, son père vient lui rendre visite à six heures, il va rester au moins une heure avec elle, ce qui fait sept heures, nous aurons la réponse de Jade vers sept heures et demie je pense, supputa Gilles. Faut-il mettre les copains dans le coup ?
— Pas dans un premier temps à mon avis.
— Qu’est-ce qu’on doit faire maintenant ?
— Réfléchissons. Le lieutenant Marchais va mener son enquête sur nous deux mais pas seulement. Il a dû comprendre qu’une telle action vise un double but, un : se venger d’elle et deux : ruiner définitivement son pouvoir de séduction. Qui peut avoir l’horrible idée de faire ça sinon un amoureux déçu ou trompé. Il va donc faire comme nous, se demander si quelqu’un a des raisons de se venger d’elle. Il interrogera probablement les élèves de notre classe et qui à part nous sera rapidement soupçonné ?
— Aïe ! Florian, évidemment.
— Oui. Il faut que nous connaissions rapidement l’emploi du temps de Flo d’hier après-midi. Tu veux bien t’en charger ?
— Tout de suite ?
— Le plus tôt est toujours le mieux.
— D’ac, je l’appelle. Je te mets le haut-parleur.
« Salut Flo, je te dérange ?
— Je discute avec Océane là. C’est important ?
— C’est à propos de Jade…
— Je ne veux plus entendre parler de cette fille !
— Tu vas obligatoirement en entendre parler. Hier quelqu’un a tenté de la défigurer et de la rendre aveugle. Elle a été vitriolée on ne sait pas par qui. Elle a échappé au pire parce que, par le plus grand des hasards, nous étions là, Valentin et moi. Ça s’est passé hier, sur le quai de la rivière, près du pont de la Halle, il était trois heures de l’après-midi. La police enquête et tu vas à coup sûr être interrogé. Nous savons bien que ça ne peut pas être toi, mais il faut quand même que tu nous dises ce que tu faisais à cette heure-là et si quelqu’un était avec toi.
— Ben ça alors ! Elle est vraiment défigurée ? Elle est aveugle ? Oh non…
— Rassure-toi. Val l’a aussitôt obligée à sauter dans la rivière pour diluer et éliminer l’acide de ses yeux et de son visage. D’après les toubibs de l’hôpital, elle va s’en tirer sans séquelles mais la police ne va pas en rester là, surtout que le père de Jade occupe un poste important à la préfecture. Nous avons peur que tu sois soupçonné, c’est pour ça que je te demande si tu as des témoins pour cette heure-là. Un alibi, quoi.
— Hier à deux heures et demie, je suis allé chercher Océane, on avait décidé de faire un tour en ville à vélo.
— Aïe, ça va te placer en suspect numéro un.
— Ben non, parce que sur la voie verte au niveau de Ville Semnoz, j’ai pété un câble de frein en pilant pour éviter un gamin qui s’est viandé en faisant du roller.
— Ça ne va pas suffire.
— Ben si parce qu’après nous sommes allés au magasin de vélos pour acheter un nouveau câble et le faire poser dans l’atelier. Ça nous a retardé d’une demi-heure. Ensuite seulement nous sommes allés en ville.
— Comment étais-tu habillé ?
— C’est important ça ?
— Oui, parce qu’on a une photo de l’agresseur mais vu de dos malheureusement.
— Ben j’avais mon sweat bleu marine.
— Tu veux dire bleu Océane ?
— Ha ha ha, trop drôle !
— Qu’avez-vous fait en ville ?
— Océane est allée acheter un stick pour les lèvres à la parfumerie puis je lui ai payé un coca en terrasse rue Royale.
— Tu as gardé le ticket ?
— Ben non, tu fais ça toi ?
— Et Océane, le ticket de caisse de son achat ?
— Attends, je lui demande. Océane, tu as encore le ticket de caisse de ton stick à lèvres ? Je t’expliquerai… Oui, elle l’a encore dans son porte-monnaie.
— Tu es entré avec elle dans ce magasin ?
— Ben tu sais, on ne se quitte pas.
— Super, tu seras mis hors de cause rapidement. Je te laisse, bonjour à ta nouvelle chérie ! »
— Bravo Gilles ! félicita Valentin dès que la conversation fut coupée. Je n’aurais pas fait mieux. Tu es un super flic !
— Oui, ben ce n’est pas ma vocation première. Nous arrivons à Saint Thom. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
— En attendant la liste des soupirants de Jade, nous pouvons enquêter sur Pierre-André, tu sais le rival de Flo. Il a laissé tomber la Jade mais a-t-il voulu quand même se venger ? Personnellement, tel que je l’ai jugé, je ne pense pas mais un mec blessé moralement peut faire des… bêtises !
— Tu as son phone ?
— Euh non. Mais je sais où il habite. Il faudrait retourner en ville.
— Vue l’heure, c’est râpé pour aujourd’hui.
— Tu as raison, je te retrouve chez toi demain ? À dix heures, ça te va ?