VALENTIN ET LA NOUVELLE

18. L'ALIBI DE PIERRE-ANDRÉ

Le fin crachin qui s’était mêlé à la bise de nord-est rendait l’après-midi plus désagréable encore que la matinée et ôtait toute envie de sortie. Les remèdes de bonne fame de sa grand-mère s’étaient montrés d’une réelle efficacité. Valentin ne se sentait plus fébrile, sa toux avait complètement disparu et il se sentait l’esprit clair.
Désireux de converser avec Jade toujours hospitalisée, se basant sur une ancienne expérience , il estima que le moment le plus propice pour un appel sur le portable de la fille se situait vers quinze heures. Une heure à attendre. Il repensa à la conversation téléphonique qu’il venait d’avoir avec monsieur Devienne. Il semblait en ressortir que le dénommé Nathan Delambre soit le suspect numéro un, mais il y avait aussi ce Charron dont il ignorait tout. Et puis, n’avait-il pas écarté trop vite Pierre-André Vallières, le rival de Florian ?
Il sortit son smartphone, sélectionna Jade dans ses contacts pour l’envoi d’un texto : « Il me faut le phone de Pierre-André. Je t’appellerai vers quinze heures pour te raconter. » Dans la minute qui suivit il eut une succincte réponse, dix chiffres et un émoticône triste.
Aurait-elle des regrets ? se dit-il. Puis il haussa les épaules, après-tout ça la regarde.
Il composa rapidement le numéro indiqué. Moins de trois secondes après le déclenchement de la première sonnerie, son appel fut basculé sur la voix enregistrée du répondeur. « Répondeur de Pierre-André Vallières. Parlez. »
« Pierre-André, je suis Valentin Valmont, nous nous sommes vus il y a quelques jours avec Charles-Henri et Amandine à propos de Jade. Il faut absolument que je te parle. L’affaire est grave. J’attends ton appel. »
Moins de dix minutes après, son smartphone vibra et le numéro de Pierre-André s’afficha.
— Ah, Pierre-André, merci de me rappeler.
— Qu’y a-t-il de si grave ?
— Jade a été l’objet d’un vitriolage !
— Hein ? Où ? Quand ? Par qui ?
— Avant-hier, sur le quai près du pont de la Halle. La police cherche l’auteur.
— Les brûlures de Jade sont importantes ?
— Le produit a pu être rapidement dilué et éliminé. Elle devrait s’en sortir sans séquelles. Elle est actuellement au centre hospitalier en train de se remettre.
— Qui a bien pu faire ça ?
— C’est aussi à ce propos que je t’appelle. La police va chercher parmi ses anciens copains. Je suis persuadé que tu n’y es pour rien et mon ami Florian non plus. D’ailleurs il a une nouvelle petite amie et un solide alibi pour le jour et l’heure où ça a eu lieu. Juste pour montrer que j’ai raison, peux-tu me dire si toi aussi tu peux prouver n’y être pour rien.
— Ça s’est passé quand exactement ?
— Je te l’ai dit. Avant-hier vers deux heures et demie. — À cette heure-là, je tapais dans le ballon avec des gars de ma classe sur les pelouses au bord du lac.
— Tu as donc des témoins. Impeccable. Je suis complètement rassuré. Excuse-moi encore pour l’autre jour d’avoir été le porteur de la mauvaise nouvelle. J’espère que nous nous reverrons un jour dans de meilleures circonstances.
— Attends, quel est ton intérêt dans tout ça ? En quoi es-tu mêlé à cette affaire ?
— Il se trouve que par le plus grand des hasards je me trouvais non loin de l’endroit où ça s’est produit. Je ne savais pas que c’était Jade mais j’ai tout de suite compris de quoi il s’agissait. J’ai obligé la personne à descendre dans l’eau pour qu’elle se rince le visage. La police me soupçonnait d’avoir voulu la noyer mais l’intervention du père de Jade suite à l’avis des médecins de l’hôpital m’a temporairement blanchi. Logiquement elle va continuer l’enquête et trouver le motif de cette agression : dépit sentimental. Elle va donc enquêter sur ses fréquentations masculines dont tu fais partie et mon ami Florian aussi. Voilà.
— Merci Valentin de m’avoir prévenu. J’espère moi aussi qu’un jour nous nous verrons dans de meileures circonstances. Allez, salut.