Gilles et Valentin arrivèrent en même temps dans la maison des grands-parents de ce dernier. Il faisait déjà presque nuit.
— Alors, c’est quoi ton idée ? questionna Valentin quand ils furent installés dans sa chambre.
— J’ai réexaminé la photo qui s’est prise toute seule l’autre jour, celle de l’agresseur de Jade. Quand nous l’avons regardée ensemble, nous nous sommes focalisés sur la canette qu’il tenait à la main. Moi, à la maison, j’ai bien détaillé l’image et devine ce que j’ai trouvé !
— Qu’il portait des gants.
— Oui aussi, mais il y a autre chose sur son sweat à capuche gris verdâtre.
— Un accroc, une tache ?
— Non, beaucoup plus discret que ça.
— Attends, je transfère la photo sur ma tablette. Hop, c’est fait. Donc, j’agrandis l’image au maximum, voilà, maintenant je la bouge lentement.
— Stop Val. Regarde sous la capuche au niveau du cou.
— Ah oui, tu as raison, il y a quelque chose.
— Tu vois, on dirait un drapeau bleu blanc rouge, comme une étiquette d’un vêtement fabriqué en France.
— Il y a bien ces trois couleurs mais pas disposées comme sur notre drapeau, regarde mieux, je vais au maximum de l’agrandissement.
— Rouge-Blanc-Bleu-Blanc-Rouge sur une ligne horizontale. Qu’est-ce que c’est que ça ? Le vêtement fait un pli, on ne voit pas tout.
— Je n’ai jamais vu de drapeau avec cinq couleurs alignées, ce n’est pas un drapeau entier mais seulement une partie, Quels sont les pays qui ont ces couleurs disposées ainsi ? Tu peux faire une recherche sur ton smartphone ?
— Qu’est-ce que je tape ?
— Drapeaux, pays, monde par exemple.
— D’ac. Voilà, j’ai un site. Comment fait-on ?
— Prenons-les un par un. Dès que l’un d’eux présente ces couleurs horizontalement dans l’ordre, nous l’examinons.
— République dominicaine.
— Non, il commence par du bleu pas par du rouge.
— France, c’est pareil, Islande aussi. Norvège, ah, ça peut correspondre.
— Continue.
— Royaume Uni aussi si on ne tient compte que du haut et de la moitié du drapeau.
— Non, trop tordu à mon avis. Est-ce tout ?
— Ben je ne vois rien d’autre.
— Donc il semble ne rester que la Norvège. Est-ce qu’il y a des fabriques de vêtements dans ce pays-là ? Je fais la recherche sur ma tablette : sweat + Norvège + drapeau. Non, non, non, oui, regarde, ce sweat gris vert à capuche avec une stylisation gris sur gris de drapeau norvégien sous l’épaule gauche. Ça pourrait correspondre.
— Il n’y a pas les couleurs qu’on recherche.
— Nous ne pourrons pas trouver la preuve formelle que c’est bien celui-là. Les habits ne sont jamais présentés de dos sur les pubs, donc… Attends un peu…
Valentin se mit à réfléchir silencieusement pendant plus d’une minute. Gilles qui connaissait bien son meilleur ami respecta sa méditation.
— Est-ce que tu mettrais un habit voyant pour faire une action répréhensible ?
— Ben évidemment non. Ce serait se faire repérer à coup sûr.
— Le mec qui a fait ça s’est habillé de la façon la plus neutre possible. Il n’a pas pensé au petit drapeau cousu juste sous la capuche.
— Logique. C’est quoi ça comme marque ce sweat ?
— Napapijri.
— Difficile à prononcer. Bon, et maintenant ?
— Avec Jade, nous avons examiné ses anciens copains. Parmi ceux qui sont revenus en France, il y en a peut-être un qui porte des habits de cette marque-là. Je l’appelle.
— Jade, c’est encore moi. Est-ce que parmi tes conquêtes, il y en a un qui porte des vêtements Napapijri ?
— À quoi on les reconnait ?
— Ils ont tous un drapeau norvégien.
— C’est comment le drapeau norvégien ?
— Regarde sur internet et rappelle-moi ensuite.
— D’accord.
Il se passa dix minutes avant que vibre le téléphone de Valentin.
— Alors ? s’empressa-t-il.
— D’après ce que j’ai pu voir sur internet, c’est une marque de vêtement pour grand froid. En Nouvelle Calédonie, les mois les plus froids sont juillet et août or, en cette période, les températures les plus basses tournent autour de 17 degrés. Dans mes souvenirs, il me semble qu’il y a un mec dans le collège qui portait de temps en temps un t-shirt de cette marque mais je ne me souviens plus de qui il s’agissait.
— Bon, tant pis, merci quand même. Bonne soirée à toi et à tes parents. Salut.
— Pour une fois que je croyais avoir une bonne idée, elle tombe à l’eau, se lamenta Gilles. Qu’est-ce que tu prévois maintenant ?
— Je prévois une prochaine visite ou une convocation de l’inspecteur Marchais et je n’aurai rien à lui donner en pâture pour nous innocenter.
— Pourquoi nous ?
— Parce que ce type portait des gants et donc, sur la canette de coca, il n’y aura que tes empreintes !