VALENTIN ET LA NOUVELLE

25. DÉBRIEFING

Dans la voiture de gendarmerie qui les ramenait à Saint Thomas, après quelques minutes de silence, l’adjudant-chef soudain éclata de rire.
— Ho ho ho ! On peut dire que tu l’as bien asticoté le petit lieutenant.
— Il m’a énervé avec ses a priori sur Gilles et moi. De plus pour un pro, il n’a pas de plan d’enquête et manque de la plus élémentaire logique.
— Tu es un peu dur avec lui.
— J’ai dû lui suggérer tout ce qu’il devait faire, déjà lors de mon premier interrogatoire.
— Comment aurais-tu fait, toi ?
— Comment j’ai fait tu veux dire.
— Attends, tu sous-entends que cette enquête vous l’avez faite ?
— Oui, Gilles et moi avons réfléchi, examiné la photo, discuté avec Jade, fait des recoupements. J’ai eu confirmation de nos déductions par texto au moment où j’envoyais la photo au lieutenant.
— D’où ta petite mimique à ce moment-là ?
Valentin eut un nouveau sourire de plaisir rétrospectif avant d’enchainer.
— Maintenant j’ai le nom du coupable, sûr à quatre-vingt-dix pour cent. J’ai les preuves, il ne manque que les aveux de ce pauvre type.
— Et tu n’as rien dit à Marchais ?
— En principe, c’est lui l’enquêteur. S’il se fait houspiller par la préfecture parce qu’il est trop lent ou qu’il ne trouve pas, ce sera un juste retour des choses et pas pour me déplaire. De plus, l’agresseur ne risque pas de recommencer.
— Finalement, grâce à toi, ton amie s’en sort plutôt bien.
— En fait, ce n’est pas mon amie, c’est une salope !
— Hein ? Pourquoi tu dis ça ?
— Comment appeler une fille qui sort avec deux gars en même temps sans que l’autre le sache ?
— Tu es sûr de ce que tu dis ?
— Oui. Elle a ravagé sentimentalement mon ami Florian que vous connaissez. Florian le mec le plus droit, le plus honnête, le plus fidèle que je connaisse. Elle sortait aussi avec un autre type, sympa par ailleurs et malheureux comme les pierres à cause de l’attitude de cette fille.
— Sachant ça, tu l’as quand même secourue.
— Rien à voir. Si, à la suite d’une interpellation, un malfrat est blessé, tu appelles une ambulance, non ? C’est la même démarche. Je change de sujet, dans les locaux de la gendarmerie de Saint Thomas, y a-t-il du matériel qui serait à changer : ordinateur, radio, imprimante ?
— Pourquoi cette étrange question ?
— Je te le dis si tu me réponds.
— Il y a bien la photocopieuse qui fait souvent des siennes mais on s’en accommode. Alors ?
— Le père de Jade Devienne veut absolument me récompenser pour avoir secouru sa fille et moi je veux absolument te remercier de m’avoir secondé dans cette affaire. Personnellement, je n’ai besoin de rien et je ne veux rien lui devoir. Comme il va encore insister, je vais lui demander de faire en sorte que la gendarmerie de Saint Thom ait un appareil neuf.
— Tu es incroyable Valentin. Je me suis souvent demandé pourquoi tu agis toujours de la sorte. Je crois avoir trouvé, c’est pour…
— Pour rester libre, Laurent, accepter un cadeau, c’est encore devoir quelque chose.
— Tu te souviens de mon prénom ?
— Tu te rappelles, dans la voiture en revenant de Grenoble, c’était lors de l’affaire avec Mehdi et Quentin il y a un an , tu m’as autorisé et même tu as voulu que je t’appelle par ton prénom quand il n’y a pas de témoins. Ah, à propos, ils ont recommencé ces deux-là. Pris par la police avec du shit sur eux, admonestés puis libérés.
— Comment tu sais ça ?
— Quand j’attendais dans le bureau du lieutenant avant mon premier interrogatoire, une feuille est tombée d’une corbeille à procès-verbaux…
— Un coup de vent sans doute.
— Et mon œil s’est posé dessus machinalement.
— Ce qu’il y a de bien avec toi, c’est que quand tu mens, tu t’arranges pour qu’on sache que c’est un mensonge.
— Donc en fait je ne mens pas.
— Ouais ! J’espère que tu ne vas pas te mêler de cette affaire, hein ? Danger puissance dix quand il s’agit de drogue ! On arrive chez toi, je te laisse, bonsoir à tes grands-parents.