VALENTIN ET LA NOUVELLE

29. AMANDINE

Tout en pédalant vers son domicile, Valentin réfléchissait à l’information donnée par Bouboule. « Pourquoi Jade veut-elle voir Charly ? Et pourquoi est-il d’accord ? Voyons, elle sait que pour Florian c’est râpé… Quand je lui ai annoncé notre action auprès de Pierre-André, son deuxième soupirant, j’ai cité nominalement Charly et Amandine et pas les noms des autres. Elle n’est pas sotte, elle a sûrement compris qu’ils étaient avec moi. Elle veut probablement savoir comment nous avons fait pour le localiser, ce que nous lui avons dit, comment il a réagi… Peut-être espère-t-elle le récupérer.
Où alors, voudrait-elle séduire Charly ? Dans ce cas, gare à elle si Amandine l’apprend ! Qu’est-ce que je fais ? Bah, demain sera un autre jour, pour l’instant il est urgent de ne rien faire !

Le lendemain était un samedi. Après une matinée studieuse, l’esprit libre, Valentin était en train de sortir son VTT du garage quand son smartphone vibra.
« Probablement Charly » se dit-il en reposant son vélo.
Amandine appelle, indiqua son écran.
— Oui Amandine, tout va bien ?
— On peut se retrouver quelque part où tu veux ? dit la jeune fille sans répondre directement.
— Mais bien sûr. Retrouvons-nous au bord du lac, près de l’embarcadère par exemple.
— D’ac, je pars tout de suite.
Valentin enfourcha son engin et pédala calmement vers le lac en passant par le bois du parcours de santé puis le camp scout, son itinéraire préféré. Bicyclette couchée au sol, Amandine attendait près de l’abri de l’embarcadère. Elle marchait de long en marge, piaffait d’impatience.
— Ah, te voilà enfin !
— Oui, tu es pressée de faire quoi ?
— Je veux te dire que la nouvelle, la Jade, elle veut me piquer Charles-Henri.
— Tiens, tiens, tu sors avec Charly ? taquina-t-il. Note que, malgré votre discrétion, je m’en doutais un peu. Sérieusement, qu’est-ce qui te fait dire ça ?
— Hier j’étais derrière eux quand Jade lui a proposé un rendez-vous.
— Il y a mille raisons pour proposer un rendez-vous, n’imagine pas la pire ! Elle devait se renseigner sur Pierre-André.
— C’est ça, rêve ! Je les ai un peu suivis sans me faire voir et j’ai vu des choses. Elle se renseignait en tenant la main de Charly ? En lui faisant des bises un peu appuyées en partant ? J’ai envie de lui démolir la figure à cette pute !
— Je t’aime beaucoup Titamande, mais comment veux-tu que j’intervienne ?
— Je suis assez grande pour aller lui dire en face que Charles-Henri c’est chasse gardée. Mais elle est plus grande et plus âgée que moi, alors si on doit en venir aux mains, à part donner des gifles, je ne sais pas me battre. Toi tu es champion, je sais que tu as donné des cours à Gilles pour qu’il se défende contre le Thénardier alors si tu veux bien me coacher un peu…
— Bon, d’accord si tu me promets de ne pas attaquer la première.
— Promis, répondit la jeune fille en croisant les doigts derrière son dos.
— Étudions plusieurs scenarios. Comme ce n’est pas toi qui vas l’attaquer physiquement, mais que probablement tu vas t’approcher d’elle pour lui souffler dans les poumons, elle va sûrement te repousser. Dans ce cas, tu accentues ton recul et tu tombes en roulade arrière. Sans oublier d’amortir la chute avec tes mains. Tiens, essayons sur la pelouse de l’esplanade.
— D’ac, vas-y, repousse-moi !
— Oui, correct, mais je te conseille la roulade complète, ce qui permet de te relever suffisamment loin de ton adversaire pour décider de ta riposte. Telle que je te connais, tu vas t’avancer et lui balancer une baffe majuscule. — Tu me connais bien.
— Ouais ! Dans ce cas elle va riposter et tenter de te la rendre, donc aussitôt que tu l’as morniflée, mets-toi en garde comme ça : tu mets tes deux poings au niveau de tes joues pour protéger ton visage, pas trop haut de façon à ne pas la perdre de vue, les coudes serrés contre le corps, c’est la bonne position pour parer une riposte. Allez, essaie, tu me balances une claque et tu te mets en garde.
— Mais je vais te faire mal !
— Non car je vais moi aussi me mettre en garde. Vas-y, cogne ! Oui, comme ça, c’est bien. Maintenant, à part à la télé, je n’ai jamais vu des filles se battre mais je sais qu’elles aiment bien se crêper le chignon, enfin se tirer les cheveux. Si elle le fait, tu la calmes en lui labourant un tibia avec l’extérieur de ta semelle du pied gauche. Je me contente de mimer le geste parce que ça fait horriblement mal. Comme ça, tu vois ? Essaie sur moi. Non, je ne veux pas une caresse mais une attaque vraie, je saurai l’éviter.
— Oui, comme ça, allez, double, triple, quadruple, OK.
— Ben dis-donc, il vaut mieux ne pas t’agresser !
— C’est ce que doit penser Tony Thénard. Pour terminer, comme ce coup va la plier en avant, tu peux l’achever en lui allongeant un uppercut au menton.
— Ou sur son œil sans couleur ou sur son nez à la retrousse.
— Pas le nez, imagine que tu lui casses, ta riposte ne serait pas proportionnée ! Il vaut mieux éviter de la blesser physiquement, ses parents pourraient porter plainte. Allez, répétons encore. Je te repousse, tu roules arrière, tu te relèves, tu me colle une gifle puis en garde, je fonce et te tire tes cheveux, ton coup de pied… Ok, je te dispense du coup de poing. Tous ces gestes, tu dois les répéter jusqu’à ce qu’ils deviennent des réflexes, tu comprends ? C’est bon ? Pas d’autres questions ?
— Holà, c’est fini de vous battre, vous-là ! En voilà des façons ! Un garçon contre une fille en plus !
Un homme, la soixantaine grisonnante venait d’arriver sur son vélo à assistance électrique et les interpelait.
— Pas d’inquiétude monsieur, répondit Valentin en souriant, imité aussitôt par Amandine, nous répétons une bagarre simulée pour un sketch de théâtre. Merci de vous être inquiété pour nous.
— Bon, ça va. C’est parce que je déteste voir les jeunes se battre. Allez, au revoir.
— Bonne soirée monsieur.
Quand l’homme se fut éloigné, Amandine éclata de rire.
— Heureusement que ce n’était pas la Jade qui était à ta place, l’excuse n’aurait pas marché.
— Quand comptes-tu lui demander des explications ?
— Dès que je la vois !