Amandine appuya sur le bouton de l’interphone permettant le défilement des noms des occupants. Quand apparut le nom de Vallières, elle jeta un coup d’œil à ses deux amis qui acquiescèrent d’un mouvement du menton.
Elle enfonça alors le bouton d’appel. Après un déclic, une voix demanda : « Oui, c’est qui ? »
— Bonjour, c’est Pierre-André ?
— Oui, c’est moi, que voulez-vous ?
— Je m’appelle Amandine, je suis dans la classe de Jade Devienne au collège de Saint Thomas, je peux te parler ?
— OK, je descends.
Une minute plus tard s’ouvrit la porte de l’immeuble. Un garçon d’environ quatorze ans sortit mais il eut un mouvement de recul en voyant Charly et Valentin.
— C’est moi qui ai sonné, dit immédiatement Amandine, lui ici c’est Charles-Henri Dubois de la Capelle.
— Comme c’est un peu long à dire, mes amis m’appellent Charly.
— Et lui là c’est Valentin Valmont. Moi c’est Amandine Fontaine et nous sommes tous les trois dans la classe de Jade. Nous aimerions te parler d’elle.
— Ben oui, allez-y, de quoi s’agit-il ?
— Est-ce qu’il y a un bar, un café ou une brasserie près d’ici ? Nous y serions mieux pour discuter, si tu es disponible.
— Allons dans les vieux quartiers, c’est tout près d’ici et il y a plein de bars à touristes.
— D’accord, nous t’offrons à boire.
Quand ils furent attablés à l’intérieur d’un petit bar décoré à l’ancienne, un serveur s’approcha et attendit.
— Je vais prendre un coca, choisit Amandine.
— La même chose, demanda Pierre-André.
— Idem, fit Charly.
— Une limonade pour moi, se singularisa Valentin.
— Bon, maintenant, vous me dites pourquoi vous voulez me voir ? Il n’est rien arrivé à Jade ?
— Nous allons tout expliquer, intervint Valentin. Tu viens aussi de Nouvelle Calédonie ?
— Oui, il y a un peu plus d’un mois que je suis revenu en métropole.
— C’était bien là-bas ?
— Ah oui, super temps, supers paysages, vie facile, collège sympa.
— Tu étais dans le même collège que Jade ?
— Oui, collège Georges Beaudoux à Nouméa. Vous venez aussi de NouCa ?
— Non, moi je viens d’Australie, il y a deux ans que je suis revenu en France.
— Avant, moi j’habitais Paris, fit Charly.
— Moi, je suis d’ici, Haute Savoie for ever, compléta Amandine.
— Alors, pourquoi vous voulez me voir ? continua Pierre-André quand le serveur eut posé les boissons sur la table.
Voyant Amandine hésiter, Valentin relança son smartphone, amena sur l’écran une photo de Florian et le présenta à leur interlocuteur.
— Lui, c’est un de mes meilleurs copains. Il s’appelle Florian Marlin. Il est tombé amoureux de Jade et… ils sortent ensemble.
— Nous savons que Jade et toi vous êtes… disons intimes, enchaina aussitôt Amandine pour atténuer un peu la brutalité du propos de Valentin, alors dans l’intérêt de notre copain et du tien nous avons voulu te prévenir.
Pierre-André regarda à tour de rôle les trois amis qui ne souriaient pas.
— Vous me faites une blague, hein ? Vous me racontez des cracks, non ?
Amandine reprit d’une voix douce :
—Hélas non. Nous sommes malheureux pour notre ami et maintenant pour toi car tu as vraiment l’air d’un mec bien.
— Non, ce n’est pas possible, pas elle, pas Jade, jamais elle ne me ferait ça. Vous avez des preuves ?
— Tu as un téléphone, demande-lui.
— Qu’est-ce que je lui demande ? Oh, punaise, je n’aurais jamais dû vous écouter, je n’aurais jamais dû vous suivre !
— Ne pas connaitre la vérité ne l’a jamais empêché d’exister. Attends, j’appelle mon copain.
Valentin pianota un instant son écran, lança un appel et activa le haut-parleur.
— Florian, je te dérange ?
— Tu ne me déranges jamais, Val. Là je suis avec Jade. Nous faisons une promenade sentimentale sur le chemin du bord du lac, c’est merveilleux.
— Super ! Tu peux m’envoyer un selfie ?
— Je te fais ça tout de suite. Au fait, tu m’appelles pour quoi ?
— Rien qui presse. Je te laisse à ta promenade et à tes occupations, termina Valentin en coupant la communication.
Quelques secondes plus tard, un discret jingle annonça l’arrivée de la photo prise par Florian.
— Tu veux vraiment voir ? demanda Valentin.
L’intéressé, gorge nouée, secoua affirmativement la tête. Valentin d’un air navré, ouvrit le MMS et afficha l’image de Jade et Florian souriant, tête contre tête, sur fond de lac et de montagnes.
Pierre-André saisit le smartphone, les yeux agrandis, le visage crispé, il fixa longuement l’image.
— Pourquoi, mais pourquoi vous faites ça ! gronda sourdement le garçon.
Charly qui n’était pas encore intervenu dit doucement :
— Nous ne voulons pas que notre ami Florian soit malheureux et nous ne voulons pas non plus que tu le sois. Florian ne voudra jamais partager, toi, je ne sais pas, en fait, je ne crois pas.
— Vous êtes venus me voir pour m’annoncer que je suis cocu, c’est ça ? Mais pourquoi, pourquoi je suis tombé amoureux de cette salope ! explosa Pierre-André avec un geste brusque du bras qui envoya au sol sa bouteille de soda, laquelle rebondit et se vida d’une partie de son reste de liquide.
— Tu n’es pas forcément… ce que tu dis, Pierre-André, enchaina Valentin. Jade est une très belle fille à qui ça plait de voir tous les garçons à ses pieds. J’ai aussi vécu pareille situation avec une très jolie fille. Elle est sortie avec un autre et je sais que ça fait très mal . J’ai immédiatement rompu avec elle, j’ai coupé tous les ponts qui lui auraient permis de revenir et au final je m’en trouve très bien. Maintenant elle se retrouve seule sentimentalement et je crois qu’elle regrette. Nous ne sommes pas tes ennemis Pierre-André, ce que nous souhaitons, c’est que Jade choisisse. Si elle te préfère, c’est tant mieux pour toi mais dans ce cas nous désirons qu’elle rompe avec Florian.
Amandine, les larmes aux yeux, voulut prendre la parole mais finalement secoua la tête et laissa Charly enchainer.
— Le mieux en effet, c’est que tu aies une explication franche avec elle…
— C’est inutile ! explosa Pierre-André en se levant, j’avais confiance, j’étais heureux… Je ne veux plus jamais la revoir.
— Nous sommes vraiment désolés, réussit enfin à dire Amandine en se levant à son tour.
— Veux-tu qu’on te raccompagne ? demanda gentiment Charly.
L’intéressé secoua négativement la tête plusieurs fois.
— Non, non. J’ai besoin d’être seul, j’ai besoin d’être seul…
— Je sais que cela ne te consolera pas, dit Valentin, mais nous allons tout dire à Florian et, épris d’idéal comme je connais, il ne supportera pas qu’elle se soit amusée ainsi de vous deux et je pense qu’il va également la laisser tomber.