Ils étaient rentrés depuis deux jours. Valentin disputait contre Quentin une partie de tennis de table sur la pelouse du jardin de ses grands-parents quand la Mégane de la gendarmerie se gara devant le petit portail de la maison. Valentin qui était au service posa la petite balle jaune sur la table et la coinça avec sa raquette.
— Je crois que nous allons avoir des nouvelles, pronostiqua-t-il.
L’adjudant-chef Lemoine sortit du véhicule, laissant le brigadier Guimard au volant.
— Bonjour vous deux. Valentin, tes grands-parents sont-ils là ?
— Ils sont allés au supermarché mais ne devraient pas tarder à rentrer. En attendant, vous voulez taper quelques balles ?
— Si je n’étais pas en service et si j’étais habillé en civil, ce ne serait pas de refus. J’étais très bon dans ce sport quand j’étais plus jeune. Une autre fois peut-être.
— Vous venez nous parler de l’avancée de votre enquête ? supposa Quentin.
— Je dirais plutôt de la vôtre, mais c’est au grand-père de Valentin que je dois faire un rapport puisque c’est lui qui m’a informé de ces faits divers. Je repasserai.
— Mais c’est moi qui vous ai envoyé la photo du type, argumenta Quentin, vous pouvez nous dire…
— Ah, oui, la photo. Heureusement que monsieur Valmont m’en a parlé sinon, comme il n’y avait aucun commentaire pour l’accompagner, je l’aurais tout simplement supprimée.
Valentin sourit devant cette nouvelle taquinerie de l’adjudant-chef.
— Ah, voici la voiture de mes grands-parents qui pointe son capot au coin de la rue, ce ne sera pas la peine de repasser.
— Et bien dans ce cas, j’attends.
— Hé, bonjour mon adjudant-chef, fit Jean-Claude en sortant du véhicule, vous voulez des compléments d’informations sur notre affaire ?
— Bonjour monsieur Valmont, bonjour madame.
— Bonjour monsieur Lemoine. Nous sortons nos achats, surtout les surgelés et nous sommes à vous. Valentin, offre un siège à l’ombre au défenseur des honnêtes gens. Un rafraichissement ? Un café ?
— Un café, bien volontiers.
— Je vous fais ça tout de suite et la même chose pour votre subordonné ?
— Pourquoi pas. Mais il ne s’agit pas simplement d’une visite de courtoisie madame Valmont, je viens vous tenir au courant du développement de l’enquête que votre mari a déclenchée.
— Fameux votre café. Bon, suite à votre appel d’il y a trois jours monsieur Valmont, j’ai immédiatement contacté la gendarmerie de Bozel de laquelle dépend le village de Pralognan et j’ai exposé à mon homologue les faits que vous m’avez rapportés, à la suite de quoi il a immédiatement envoyé une patrouille au parking du Pont de la pêche. Malheureusement aucune voiture ne correspondait à votre description.
— Effectivement, elle n’y était plus lorsque nous y sommes passés vers neuf heures trente.
— Néanmoins mes collègues ont maintenu une vigilance sur cette route et ont contacté la gendarmerie de Modane dont dépend la commune d’Aussois de l’autre côté du col. Ceux de Modane se sont entendus avec les douaniers du tunnel du Fréjus qui ont dépêché deux de leurs hommes afin d’établir un contrôle en aval du premier barrage hydroélectrique.
— Ah, c’est pour cela que j’ai été retardée quand je suis allée chercher mon équipe de marcheur, intervint Isabelle.
— Je suppose que vous n’aviez rien à cacher, c’est pour cela qu’ils vous ont laissé passer, s’amusa l’adjudant-chef.
— Excusez, je vous ai interrompu, je vous en prie, poursuivez.
— Donc, vers dix-neuf heures, ils ont pu contrôler une Ford Fiesta grise avec une indication départementale corse qui descendait vers Aussois. Il y avait deux personnes à bord, un homme et une femme, la femme était au volant et semblait nerveuse. Elle a d’abord argumenté qu’elle était hyper pressée etc. etc. mais ce genre d’argument est totalement inopérant avec les forces de l’ordre. Les douaniers ont alors fouillé le véhicule et ils ont fini par découvrir un sac derrière la roue de secours. Et dans ce sac, il y avait… devinez quoi ?
— De l’argent, des cartes bancaires, des chéquiers, des téléphones portables, intervint Valentin.
— Toujours aussi bon dans tes déductions, Valentin. Et oui, il s’agissait bien du voleur des refuges.
— De NOTRE voleur ? voulut préciser Quentin.
— Un type très brun, barbe d’une semaine, t-shirt noir, pantalon corsaire gris, accompagné d’une femme blonde, cheveux mi-longs, survêtement vert.
— Pour le type, la description correspond, dit Valentin.
— Et pour la femme, je pensais bien avoir vu du vert à l’intérieur de la voiture, compléta Quentin.
— En conclusion, grâce à vous nous avons pu mettre la main sur ces deux individus qui n’en étaient pas à leur coup d’essai. Déjà l’été dernier plusieurs plaintes avaient été déposées.
Valentin, sans rien dire, leva des yeux interrogateurs vers le gendarme.
— Tu veux savoir ce qu’il va advenir des objets récupérés, je me trompe ?
Valentin acquiesça d’un bref mouvement du menton.
— Et bien, dès que les propriétaires seront identifiés, ils leur seront rendus.
— Avez-vous pu savoir si mon téléphone faisait partie de ces objets ?
L’adjudant-chef Lemoine fouilla dans une poche de sa tenue et en sortit un smartphone.
— Est-ce qu’il ne s’agirait pas de cet objet par hasard ?
Valentin tout sourire tendit la main mais Lemoine releva la sienne.
— Hep, doucement jeune homme, il faut d’abord prouver votre identité et signer un reçu.
Valentin regarda l’adjudant-chef avec un sourire ironique, sans dire un mot.
— Bon, prends-le et vérifie que c’est bien le tien.
— Je présume que vous avez contrôlé le numéro et que vous savez que c’est le mien.
— J’ai également récupéré un cordon d’alimentation, état neuf.
— Le mien l’était, confirma Valentin, merci beaucoup pour votre efficacité mon adjudant-chef. Et pour les cinquante euros de Quentin ?
— Là ce fut beaucoup plus difficile, il y avait plus de mille cinq cents euros dans le sac récupéré. L’argent n’a ni odeur ni propriétaire défini, mais j’ai beaucoup insisté auprès de mes collègues et me suis porté garant de votre moralité et de votre honnêteté, donc voici tes cinquante euros Quentin.
— Je ne sais pas comment vous remercier mon adjudant-chef, déclara Jean-Claude.
— Le bonheur de ces deux adolescents modèles est déjà une grande récompense en soi, et puis, je n’ai fait que mon travail. Merci pour les cafés madame Valmont, je dois y aller maintenant.