Olivier était encore sur l’eau. Sportivement doué, il maitrisait déjà sa planche et réussissait à surfer les petits rouleaux. Quand il aperçut Inge et Valentin, il leur fit un signe de la main puis, à plat ventre sur son surf, il repartit, ramant des deux mains. Il obliqua vers l’endroit plus calme dénonçant une baïne où le courant l’entraina vers le large.
— Il est fou, c’est dangereux ce qu’il fait, il ne pourra pas revenir, s’alarma Inge.
— Je ne m’inquiète pas pour lui, c’est un sportif mais pas un casse-cou, il sait ce qu’il fait.
Comme pour lui donner raison, arrivé au niveau du début des vagues déferlantes, Olivier, toujours à plat ventre sur sa planche obliqua vers elles. Il se mit à s’accélérer des deux mains puis au moment où la vague choisie commença à s’écrouler, il se mit rapidement sur ses pieds, jambes semi-fléchies et fila vers la plage en esquissant des tentatives de virage.
— Oui, il est très bon Olivier, commenta Inge. Viens, allons l’attendre sur notre banc d’hier soir.
Ils remontèrent l’escalier de bois escaladant la dune, entreprirent de traverser le parking dans sa longueur. Il était plein. Une Mégane Renault arrivait, elle fit lentement le tour pour trouver une place. Au même moment une Clio grise quitta son stationnement que la Mégane s’empressa d’occuper. La Clio se dirigea vers la sortie mais elle ne l’emprunta pas, elle continua à tourner pour s’arrêter dans l’allée centrale, séparé de la Mégane par une double rangée de voitures.
Intrigué, Valentin regarda plus attentivement la voiture grise avec deux hommes à bord, elle avait une portière légèrement enfoncée. « C’est celle qui nous a frôlés à l’aller » remarqua-t-il. À l’intérieur, le chauffeur pianotait son volant tandis que le passager, tête baissée, manipulait ce que Valentin prit pour une manette de jeux.
Les occupants de la Mégane, une famille avec deux enfants de neuf ou dix ans sortirent deux sacs et de jouets de plage de leur coffre, claquèrent les portières et le hayon, puis l’homme d’un geste négligeant pressa son blip de fermeture. La voiture ne réagissant pas, il récidiva en visant soigneusement le pare-brise. La voiture émit alors le bruit caractéristique du verrouillage et la famille se dirigea vers l’escalier de bois menant à la plage.
Valentin intrigué, tout en continuant son chemin à côté d’Inge, observa la Clio que redémarrait, finissait son tour de parking pour venir passer lentement près de la Mégane. Celle-ci émit un blip. La Clio continua et se gara sur une place réservée aux handicapés près de l’escalier en bois. Le chauffeur, sac à l’épaule, descendit et sembla vouloir lui aussi se rendre sur la plage mais, après un regard sur celle-ci, il fit demi-tour et revint vers la Mégane. Avec un grand naturel, il ouvrit la portière côté chauffeur. L’avant de son corps disparut un instant dans l’habitacle puis, après quelques secondes, il recula, alla ouvrir le coffre, y saisit un petit sac qu’il mit dans son sac de plage, referma le hayon puis la portière et retourna calmement vers la Clio. Celle-ci redémarra, et entama un nouveau tour du parking. Devant cette façon de faire défiant toute logique, Valentin dit rapidement à Inge :
— S’il te plait, va sur le banc, je te rejoins dans un instant.
Il sortit son smartphone de la poche pectorale de son t-shirt, lança rapidement l’application « Appareil photo » et quand la Clio passa près de lui, il prit au jugé, sans viser, sans en avoir l’air, une série de clichés du véhicule. Continuant sans en avoir son chemin, il passa près de la Mégane, photographia son numéro minéralogique puis il retourna vers son amie.
— Pourquoi es-tu reparti ? lui demanda-t-elle.
— Il m’est venu une idée et j’ai voulu vérifier.
— C’est quoi cette idée, tu peux me dire ?
— Je te dirai si ce que je pense s’avère vrai. Ah, on dirait bien qu’Olivier veut arrêter. Ohé ! Olivier ! cria-t-il en agitant les bras, nous t’attendons ici sur le banc !
— J’arrive dans cinq minutes ! hurla à son tour l’interpelé.
Trois minutes après, Olivier les avait rejoints.
— Ouh, je suis vanné, j’ai les muscles tout raides ! commenta-t-il, on retourne au camp ?
— C’est comme tu veux, grand sportif.
Le groupe des trois amis traversa le parking au moment où une famille rejoignait la superbe Mercédès qui les avait frôlés trois heures auparavant. Olivier eut un mouvement comme pour les aborder mais Valentin qui avait deviné l’intention de son ami, l’arrêta en lui prenant le bras.
— Laisse tomber, nous sommes en vacances, ne cherchons pas une dispute qui ne résoudrait rien.
— OK, mais ce sont quand même des abrutis ! Y compris le p’tit mec, là, le fils de famille. Il était avec moi au surf et il a dû boire la moitié de l’océan.
L’homme actionna son blip, la voiture émit le bruit caractéristique. Ils avaient dépassé la Mercédès quand elle émit un second blip.
Peu après, des éclats de voix les fit se retourner. La femme disait :
— Je suis sûre de l’avoir mis là.
— Si tu avais mis ton sac dans le coffre, il y serait encore !
— Tu es sûr d’avoir verrouillé les portières ?
— Sûr et certain, plutôt deux fois qu’une !
— Donc en fait, tu as verrouillé puis déverrouillé.
— Tu me prends pour un idiot ? Je sais ce que je fais quand même ! D’ailleurs elle est programmée pour se fermer automatiquement en cas d’oubli. Ton sac, tu l’as laissé à la villa mais tu ne veux pas l’admettre, c’est tout ! Allez, embarquez, on y va !
Valentin ressortit son smartphone et quand la Mercédès les doubla la prit en photo.