VALENTIN EN VACANCES

20. DÉBUT D’ENQUÊTE

Assis autour de la table de camping, Valentin et la famille Chanat venaient de finir le repas du soir.
— On retourne voir le coucher de soleil ? P’pa, m’man, vous venez avec nous ?
— Mais avec plaisir mon fils, répondit Damien, nous allons peut-être le voir ce fameux rayon vert.
— Inge ne vient pas ? demanda Aude.
— Pas ce soir, elle m’a dit qu’elle travaillait ses cours de français, expliqua Valentin.
— Elle est bien cette petite, tu ne trouves pas Olivier ?
— Heu, oui. C’est une bonne camarade de vacances… qui habite à 1.500 kilomètres de chez nous.
— Nous avons décidé d’aller à la pêche aux lagagnons avec elle demain matin, compléta Valentin.
— Aux quoi ? s’étonna Aude.
— Aux lagagnons. Ce sont des coquillages parait-il très bons à l’apéritif. C’est un vieux pêcheur du coin qui nous a montré comment les capturer et dit comment les préparer.
— Alors, c’est toi qui vas les cuisiner ? taquina Damien.
— Pourquoi pas, sourit Valentin.
— Allons-y, le ciel se colore, pressa Olivier.

Sur la dune dominant le parking, toute une foule avaient les yeux et les smartphones tournés vers le couchant, sauf Valentin qui regardait les voitures stationnées. Il les détailla une à une et eut un léger sursaut en repérant une Clio grise. « Je reviens tout de suite » souffla-t-il à Olivier. Il fonça sur le parking dont il fit le tour. Il ne tourna pas le regard au moment de passer près de la Clio pour éviter d’attirer l’attention mais il eut le temps de mémoriser sa plaque d’immatriculation ainsi que la présence des deux hommes à l’intérieur. Continuant son tour, il rejoignit rapidement la famille d’Olivier et, au smartphone, prit le soleil en photo au moment exact où il tangentait l’horizon dans une gloire de couleurs.
— C’est bien chouette tout ça, mais moi je suis vanné, déclara Olivier, je ne vais pas faire long feu avant de m’endormir.
— La fatigue sportive est une bonne fatigue, commenta Damien.

Ayant moins fait de sport, Valentin était moins fatigué que son ami. Seul dans sa tente, il regardait les photos sur son smartphone. Il s’attarda sur les selfies pris la veille au soir sur dune avec Inge. Le premier face à l’océan était à contre-jour, les visages étaient trop sombres mais le deuxième, en dépit du parking en arrière-plan, était bien réussi. Il agrandit le cliché au maximum des possibilités de l’appareil et détailla les véhicules capturés sur l’image. Dans la troisième travée il crut reconnaitre la fameuse Clio grise mais le numéro n’était pas lisible et la brillance du pare-brise empêchait de distinguer l’intérieur. Il regarda ensuite le charmant visage d’Inge, vraiment très photogénique. Une pensée trouble lui vint quand il se remémora leur après-midi sur la plage déserte, la nudité de la jeune fille, le contact de son corps au moment de son remerciement… Il chassa cette pensée troublante et se concentra sur le manège des deux hommes dans la Clio. Visiblement, ils ne venaient pas pour profiter de la plage, ils avaient plusieurs fois changé leur véhicule de place et semblaient avoir passé la journée dans la voiture. Il se remémora son positionnement non loin de la 3008 savoyarde puis de la Mercédès et enfin de la Mégane. La petite dispute des occupants de ceux de la Mercédès au sujet d’un objet introuvable le fit longuement s’interroger.

Le lendemain matin vers dix heures, munis d’un petit sac de toile fourni par la mère d’Olivier, les trois amis partirent à la pêche aux coquillages. Arrivé au sommet de la dune, Valentin s’arrêta et promena son regard sur le parking encore peu rempli pour tenter de repérer la Clio grise. Elle était là, elle se trouvait dans la travée la plus proche de l’océan au niveau du dixième emplacement.
— Inge, je peux te demander un service ? lui demanda-t-il en anglais.
— Of course. (Bien sûr.)
— Je voudrais que tu ailles jusqu’à cette voiture grise à côté du gros 4x4 blanc…
— Celui qui a un gros pare-chocs chromé à l’avant pour stopper la charge des animaux sauvages ? se moqua Olivier.
— Je vois la voiture. Que dois-je faire ?
— Quand tu seras à son niveau, je veux que tu regardes discrètement dedans.
— Pourquoi tu lui demandes ça ?
— Depuis que nous sommes arrivés à Mixelit, cette voiture stationne sur ce parking…
— Comme beaucoup d’autres, coupa Olivier.
— Oui, mais les occupants des autres parquent leur auto et vont à la plage tandis que celle-ci change souvent de place et leurs occupants n’en sortent pas. Je veux savoir pourquoi.
— Je suppose que tu as déjà ta petite idée…
Valentin sourit et enchaina :
— Donc Inge, tu regardes innocemment à l’intérieur pour me dire ensuite ce que tu auras observé.
— OK. Quand je serai près de la grise voiture, appelle-moi très fort.
La jeune fille partit d’un pas léger dans l’allée du parking. À l’instant où la jeune fille arriva au niveau du 4x4, Olivier hurla :
— Ohé, Inge !
Celle-ci se retourna et fit un grand signe de la main comme pour saluer quelqu’un tout en continuant à marcher à reculons. Elle trébucha, fit un pas de côté ce qui l’amena à se cogner contre la Clio.
— Oh, sorry. I am clumsy. Sorry but my lace is untied and I have walked on it… (Oh, désolée. Je suis maladroite. Désolée mais mon lacet est dénoué et j’ai marché dessus…)
Elle fit un grand sourire et se baissa pour refaire les cocardes de ses chaussures de sport. Tout aussi naturellement, elle revint vers les deux garçons.
— Descendons sur la plage, intima Valentin après un dernier regard sur le parking alors qu’Inge s’apprêtait à faire son compte-rendu. Olive, ne sois pas surpris si je fais quelque chose d’inhabituel.
Quand ils prirent pied sur le sable, Valentin qui devançait les deux autres se retourna puis plongea dans les jambes d’Olivier en un superbe placage de rugby.
— Jouez le jeu, leur dit-il, on nous observe.
— Compris, répondit Olivier qui attrapa Inge par une cheville et la fit chuter.
Les trois amis chahutèrent ainsi jusqu’à ce que Valentin leur dise stop.
— C’est bon, il est parti. Alors Inge, qu’as-tu vu ?
— J’ai vu deux monsieurs dans la auto. Un avait un jouet noir dans les mains, c’est tout.
— Un jouet noir qui ressemble à quoi ?
— Comme un joystick de console de jeux.
— OK, merci Inge.
— Tu nous dis où on meurt tout de suite d’ignorance ? voulut savoir Olivier.
— J’ai des soupçons mais je dois faire des recherches sur internet pour vérifier si ce que je pense est vrai. Je les ferai ce soir et vous dirai tout demain. Euh, Olive, le gars dont les parents ont la grosse Mercédès, le gars qui fait le stage avec toi et que tu as trouvé nul, cet après-midi essaie de devenir un peu copain avec lui et tente de savoir si on leur a volé quelque chose sur le parking hier. Cela devrait être facile pour toi, il sera tout heureux qu’un champion de surf comme toi s’intéresse à lui. En attendant, allons pêcher.