VALENTIN EN VACANCES

25. LA FINALE

Quand ils furent remis de leurs émotions, après avoir bu chacun une bonne dose d’eau minérale, les trois amis convinrent d’observer attentivement la seconde demi-finale. Celle-ci fut à sens unique, les Allemands ne laissèrent aucune chance aux Picards et s’imposèrent par 21 à 13.

De nombreux campeurs s’étaient massés autour du terrain dans le camping. Impressionnés de devoir jouer devant un public, Valentin et Olivier étaient crispés, leurs déplacements trop lents, Valentin semblait avoir perdu sa faculté d’anticipation et se trouvait dépassé par la rapidité des balles smachées par l’attaquant des Allemands. Le score monta rapidement à dix à six pour leurs adversaires et les équipes changèrent de camp. Olivier qui enrageait de voir son équipe dominée dit à ses coéquipiers :
— Florian qui s’y connait dit toujours « en sport, les allemands ne font jamais de cadeaux » donc il faut se défoncer, absolument tout donner.
Puis s’adressant à Inge il précisa :
— Florian c’est un ami à nos deux, un grand sportif, donc maintenant, c’est tre, tre, tout le temps tre. La passe longue va excentrer leur attaquant qui va venir me contrer donc cela va agrandir l’espace libre derrière lui et inciter leur grande passeuse à se rapprocher pour récupérer une éventuelle carotte dont je ne me priverai pas. Leur défenseur devra logiquement prendre la diagonale du terrain ce qui me laissera le choix de jouer long à gauche ou la ligne près du filet à droite. Inge, comment dis-tu « droite » dans ta langue ?
Ret.
Ret. Ok. Toi Val, contente-toi de me dire ret si tu juges que l’espace à droite est suffisamment découvert. Si tu ne dis rien, je mettrai au fond à droite ou à gauche selon mon inspiration et, si leur grand attaquant me laisse l’ouverture, je balance des boulets de canon. Allez, rien n’est perdu, on leur reprend tout de suite le service.
Fort de leur avance au score, l’attaquant Allemand qui était à l’engagement força sa frappe. « Laisse ! » hurla Olivier. Le ballon sortit de deux bons mètres. « Scheiße ! » cria le fautif.
Valentin récupéra la balle et exécuta un service tennis d’une frappe très sèche en bloquant son geste juste après le contact. La balle eut une trajectoire étrange, incertaine, qui dévia au dernier moment. Le défenseur surpris ne put que constater la perte du point. « Arschloch ! » fit-il en lançant un regard mauvais à Valentin.
Au service suivant, Valentin expédia une balle très courte et très haute qui retomba en accélérant au niveau de la tête de la passeuse. Celle-ci contrôla mal sa passe, l’attaquant plongea pour la sauver et l’envoya mourir dans le filet. Toujours au service, Valentin renouvela son service tennis en visant l’attaquant qui la jugeant trop longue l’évita. La balle eut à nouveau une trajectoire « feuille morte » sembla freiner au dernier moment et retomba juste sur la corde du fond du terrain. Pour désorienter l’adversaire, il décida de faire l’engagement suivant très court. Le ballon toucha le filet, par chance, il retomba tout près de celui-ci dans le camp adverse. En tentant de le récupérer, la passeuse franchit nettement la ligne de séparation, donnant un nouveau point aux Lagagnons. « Scheiße ! » jura-t-elle. « 11 à 10 » déclara l’arbitre.
Les Amazones, comprenant que si l’équipe de Valentin gagnait, cela valoriserait d’autant leurs performances, se mirent à follement les encourager. Olivier complètement libéré maintenant marqua deux fois en contrant l’attaquant des Allemands, carotta une fois à gauche juste derrière le contreur adverse, deux fois derrière la passeuse sur un « ret » hurlé par Valentin qui lui-même réussit à marquer sur un renvoi direct qui prit le défenseur adverse à contre-pied. 17 à 10, compta l’arbitre.
« Französische Arschlöcher » s’énerva la passeuse des Allemands, s’attirant un sourire moqueur d’Inge. L’attaquant, qui était le capitaine de l’équipe, demanda un temps mort.
L’interruption de trente secondes leur fut profitable. Un peu déconcentrés, les Lagagnons perdirent deux points de suite : une erreur de jugement de Valentin qui laissa retomber dans le terrain une balle qu’il avait jugé trop longue et précipitation d’Olivier qui toucha le sommet du filet en exécutant un smatch violent. Le grand attaquant dont c’était le tour saisit la balle pour engager et expédia un service court sur Inge qui intelligemment renvoya le ballon directement dans le camp adverse en diagonale juste derrière le filet hors de portée de la passeuse et trop loin de l’attaquant qui n’eut pas le temps de se replacer.
« 18 à 12 » fit l’arbitre.
Inge à son tour récupéra la balle et servit. Elle prit le risque d’envoyer une balle longue et basse au plus près de la ligne latérale gauche de ses adversaires. Le défenseur plongea, réussit à toucher le ballon qui fusa loin du terrain.
« Schlampe ! » maugréa celui-ci.
« 19 à 12, service Lagagnons » dit l’arbitre en tendant le bras vers eux. Inge cette fois servit long et haut directement sur le défenseur qui réussit une belle manchette vers sa passeuse. La deuxième touche fut excellente et l’attaquant mit toute son énergie dans un smatch d’enfer qu’Olivier contra magnifiquement.
« Arschgesicht ! » (« Face de cul! ») insulta l’attaquant. Olivier ne comprit pas mais Inge regarda l’adversaire avec un air de profonde désapprobation. « 20 à 12, balle de match » claironna l’arbitre.
Inge, un peu saisie par la peur de gagner, se concentra au maximum pour éviter de manquer cette balle capitale. Elle expédia un service normal à la cuiller qui fut correctement capté et encore très bien passé. L’attaquant face à Olivier ne voulut pas prendre le risque de se faire à nouveau contrer, il frappa sans énergie une balle vers le fond du terrain. Valentin avait anticipé, il calibra une passe impeccable vers Inge. « En ! » hurla Olivier en sautant très haut à un mètre de sa partenaire. La balle n’avait pas atteint le sommet de sa trajectoire que d’un magistral coup de poignet, il la percuta, la faisant s’écraser dans le sable à deux mètres du filet.
« 21 à 12, victoire des Lagagnons » annonça l’arbitre avec emphase.
Des applaudissements jaillirent des spectateurs.
De joie, les trois amis levèrent les bras en bondissant sur place puis, chacun bras sur les épaules des deux autres, ils improvisèrent une ronde sautillante endiablée.
— Venez, il faut quand même aller leur serrer la main, finit par dire Valentin, c’était un match, pas la guerre.
Au moment de toucher la main de la passeuse adverse, Inge avec un sourire moqueur lui dit : « Französische Arschlöcher grüßen dich ! » (Les connards de français te saluent !) L’allemande afficha un air à la fois stupéfait et confus.
— « Du sprichst Deutsch ? Oh Scheiße ! » (Tu parles l’allemand ? Oh merde !)
— « Fließend ! » (Couramment !) répliqua Inge d’un air modeste.

« Bravo aux Allemands et félicitations aux Lagagnons pour leur très belle et intelligente victoire. Remise des prix à l’accueil dans cinq minutes pour les deux équipes finalistes » annonça l’organisateur.
Les Allemands reçurent chacun une médaille de participation ainsi qu’une grande bouteille de soda tandis que Valentin, Olivier et Inge se virent remettre, outre la médaille des vainqueurs, un filet garni chacun.
— On demande à nos parents de faire repas commun ? demanda Olivier.
— C’est une très bonne idée, n’est-ce pas Valentin ?