VALENTIN EN VACANCES

28. QUERELLE D’ALLEMANDS

Valentin resta encore une dizaine de secondes sans bouger. Tout en restant baissé, il fit ensuite demi-tour, se glissa dans la même travée mais loin de la Clio de façon à rester invisible de ses occupants, puis, le plus naturellement du monde, il regagna l’entrée du parking puis le haut de l’escalier de la plage.
Inge avait changé de place. Elle se trouvait sur sa futa en amont des surfeurs. Un jeune était face à elle, à demi à genoux. Quand elle aperçut Valentin descendre l’escalier, elle lui fit un grand signe du bras et cria « ohé Valentin, ici ! » Le jeune se releva et s’éloigna en montant vers la dune.
— Avec qui parlais-tu ? lui demanda Valentin.
— Un des Allemands que nous avons gagnés hier.
— Qu’est-ce qu’il t’a dit ?
— Sie haben gestern sehr gut gespielt. Du warst das Beste !
— Oui, d’accord. Et en français ça donne quoi ?
— Vous avez bien joué hier. Tu étais la meilleure !
Valentin se mit à rire.
— Il essayait de te draguer. Que lui as-tu répondu ?
— Je lui ai dit qu’il semblait heureux d’avoir été battu par une équipe de connards.
Cette fois, Valentin éclata de rire.
— Là, Inge, tu as vraiment été la meilleure !
— Et toi, qu’as-tu vu sur le parking ?
— La Clio était encore là et j’ai vu un des types ouvrir une Audi et prendre des objets à l’intérieur.
— Ce sont des sales voleurs. Je me demande si la dame d’hier soir n’est pas venue en voiture sur ce parking.
— Elle est du camping, ce n’est pas loin, ça serait étonnant.
— Sauf si elle avait quelque chose d’encombrant à porter, une chaise longue par exemple. Mais nous ne pouvons rien faire.
Valentin réfléchit longuement.
— Si, peut-être. Il faudrait que je puisse envoyer un message, mais je ne prends pas mon téléphone quand je viens à la plage.
— Tiens, voilà le mien, dit-elle en sortant une pochette de protection en plastique transparent de son sac de plage.
— Un Samsung ! Peux-tu le mettre en position pour envoyer un SMS ?
Inge relança son appareil, toucha une petite icône bleue contenant comme une bulle de BD et tendit son engin à son ami.
— Un clavier Qwerty, cela me rappelle quelque chose, commenta-t-il avant de mettre de mémoire le numéro personnel de l’adjudant-chef Lemoine en destinataire. Il tapa :
Bonjour mon adjudant-chef,
J’ai repéré des voleurs au RollJam, que puis-je faire ?
Valentin

Et il toucha la flèche ordonnant l’envoi du message.
— Merci Inge, il n’y a plus qu’à attendre.
La jeune fille reprit son téléphone, le remit dans la pochette qu’elle mit dans le sable sous sa futa et amena son sac de plage au-dessus puis, sans remettre le haut de son bikini, charmante petite sirène, elle bondit sur ses pieds.
— Premier à l’eau ! défia-t-elle en courant vers la zone de baignade surveillée.
Arrivée au bord elle fit quelques rapides enjambées sautées puis plongea sous une vague. Valentin qui avait dû se débarrasser de ses tongs avant de la suivre l’imita et plongea à son tour. Pendant dix minutes ils nagèrent, sautèrent, passèrent sur et sous les vagues de la marée montante.
— Viens, allons nous réchauffer au soleil maintenant finit-elle par dire.
Revenue sur son emplacement, elle récupéra la pochette sous sa futa et la remit dans son sac de plage, puis s’allongea sur le ventre.
— Il est bon le soleil et c’est bien le bruit des vagues. Je penserai à cela quand je serai au Danemark.
— Je peux savoir si on m’a répondu ?
— Prends le téléphone dans mon sac.
— Tu n’as pas peur que je lise ta correspondance avec ton petit ami ?
— Un : j’ai beaucoup d’amis mais pas de petit ami. Deux, je crois que tu n’es pas un garçon indiscret et trois, tu parles le danois ?
— Couramment ! répondit Valentin en sortant le smartphone de la fille qui éclata de rire. Sur ton téléphone, la réponse à un SMS s’affiche dessous, n’est-ce pas ?
— Exact.
— Donc il ne m’a pas répondu. Il doit être en vacances.
— Regarde, Olivier fait du surf sur le sable !
Cinq garçons et trois filles, alignés face à la dune, étaient debout sur leur planche, jambes pliées, bras écartés. Le moniteur passait auprès de chacun et corrigeait les positions puis il donna l’ordre de passer à l’action. Les surfeurs débutants foncèrent vers les vagues. Inge se recoucha et Valentin s’allongea à un mètre d’elle. Il ferma les yeux pour lui aussi s’imprégner de ce moment délicieux.
Dix minutes plus tard, sur le point de s’abandonner dans une sieste bienheureuse, un ballon vint rebondir sur son dos et s’immobiliser contre son bras. Il le ramassa et re-expédia d’où il venait sans se soucier des deux jeunes qui s’amusaient. Quelques secondes plus tard, le même ballon le frappa à la tête. Il se redressa, le saisit et le fit rouler en direction des expéditeurs qui ne s’excusaient pas. Lorsque la troisième balle toucha son amie, il ramassa encore la balle mais ne la renvoya pas.
— Der Ball ! aboya un des deux jeunes depuis sa place de jeu.
Valentin cette fois reconnu leurs adversaires d’hier. Il demanda à Inge « comment dit-on excusez-vous en allemand ? »
— Entschuldigen.
— ENTSCHULDIGEN ! dit-il d’une voix forte.
— Ah ah ah ah ah !
Valentin sans s’énerver se tourna alors vers le haut de la plage et, d’un magistral coup de pied, expédia le ballon dans les dunes interdites. Le plus grands des allemands s’avança l’air menaçant, Valentin reconnut en lui l’attaquant de la veille.
— Geh und hol meinen Ball, Arschloch!
Valentin à nouveau demanda à Inge : traduction s’il te plait ?
— Tu es sûr ?
— Je sais qu’il est grossier mais traduis quand même s’il te plait.
— Il a dit euh… va chercher mon ballon… euh… trou du cul.
Valentin sourit et se remit en position semi-allongée sur le dos, appuyé sur ses coudes.
— Ich habe dir gesagt, du sollst den Ball holen, Arschgesicht !
Sans se départir de son calme, il dit à Inge :
— Je suppose qu’il se répète.
— En gros oui.
Valentin afficha un sourire ironique en regardant son vis-à-vis dans les yeux et sans rien répondre. L’allemand d’un shoot du pied lui envoya une giclée de sable. Il hurla :
— MEIN BALL ! Et rejeta du sable sur Inge et Valentin.
Valentin se leva et fit un pas vers l’allemand. Il leva d’abord la tête vers le ciel, soupira puis, fixant son adversaire droit dans les yeux, fit non de la tête. Fou de rage, son adversaire lui balança un violent swing du bras droit vers le visage. Sur ses gardes, Valentin esquiva d’un retrait du buste sans bouger les pieds. L’allemand se ramassa sur lui-même, prêt à foncer. Pile au moment ou il démarrait, il reçut derrière les genoux un violent coup de la tranche d’une planche de surf. Ses jambes se plièrent et il s’affaissa sur le sable. Olivier venait d’intervenir.
— Dis-donc, ducon, si tu veux te battre, ce sera contre moi !
Olivier jeta son surf sur le côté puis se mit en position de boxeur. L’autre se releva et leva également les poings. Olivier, qui était légèrement en contre-bas, s’avança vers l’allemand de deux pas rapides, le saisit vivement par son poignet droit avec la main gauche, plaça la main droite sous son aisselle gauche tout en s’accroupissant. Il se laissa tomber vers l’arrière et, pied droit sur l’abdomen de l’autre, d’une détente de sa jambe il le projeta loin en arrière. L’allemand qui n’avait pas vu venir le coup apparenté à un sutemi de judo s’écrasa tête dans le sable où il resta groggy. Pendant ce temps, l’autre allemand, celui qui jouait défenseur dans leur équipe de volley, s’était avancé l’air menaçant vers Valentin qui n’attendit pas. Il pivota rapidement sur son talon gauche, tourna le dos à son adversaire, acheva sa rotation par un violent coup de talon sur le flanc droit de son adversaire lequel, touché au niveau du foie, de surprise et de douleur se plia en deux en se retournant. Reprenant ses appuis, Valentin pivota en sens contraire et récidiva par un shoot humiliant dans le postérieur de l’autre qui, penché en avant comme il était, tomba comme son ami et mordit le sable. Inge éclata d’un rire moqueur, ajoutant encore à la confusion des perdants.
— Die Deutschen haben wieder verloren ! (Les Allemands ont encore perdu!) ironisa-t-elle.
— Hé, ho, là-bas, pas de bagarre ! cria le moniteur de surf en se dirigeant vers eux, du calme tout le monde !
Olivier vint se placer à côté de Valentin, les deux adolescents se tournèrent vers l’océan et le moniteur qui venait vers eux. Inge qui venait de remettre son t-shirt se leva et rejoignit les garçons.
— Nous sommes on ne peut plus calmes, monsieur, fit Olivier en allant récupérer sa planche de surf pendant que les allemands se relevaient et s’éloignaient piteusement.
— Nous avons simplement répondu à une agression monsieur, mais je crois que la guerre est finie maintenant, ajouta Valentin.
— Voyez-vous monsieur, reprit Olivier, nous avons battu ces mecs-là hier au volley parce qu’ils sont mauvais. Ils ont voulu se venger en nous provoquant pour chercher la bagarre mais ils sont encore plus nuls en boxe et en judo. Et ils ne seraient même pas bons en surf, vous avez vu, ils n’ont aucun équilibre ! Bon, ajouta-t-il en reprenant sa planche, je vais mettre vos conseils en application.