VALENTIN EN VACANCES

36. SECOND JOUR

Gilles fut le premier à apercevoir le Dacia marqué sur les portières du sigle de la Mairie. Il fit immédiatement de grands gestes des bras pour attirer l’attention et la voiture avec deux hommes à bord s’arrêta devant le cabinet médical où attendaient les trois amis. Le chauffeur baissa sa vitre :
— C’est vous les jeunes au pitbull ?
— Oui, Emily, Gilles et moi Valentin. C’est gentil de nous remonter à la Duche.
— Je suis adjoint au maire du village, le monsieur à côté de moi est vétérinaire. Embarquez et mettez vos ceintures.
— Oh, flûte, j’ai oublié de reprendre la mienne dans le cabinet du docteur. Je fais au plus vite. Valentin redescendit, sonna à la porte du cabinet et entra.
— Qu’est-ce que c’est que cette histoire de ceinture ? questionna l’adjoint.
— Valentin a dû faire un garrot au bras du monsieur mordu par le chien car il perdait tout son sang, expliqua Emily.
— Bonne réaction, approuva le véto, l’a-t-il relâché périodiquement ?
— C’est moi qui l’ai fait, continua Emily, Valentin conduisait. D’ailleurs, le revoici.
— Valentin, je sais l’histoire dans ses grandes lignes, mais peux-tu m’expliquer en détail ce qui s’est passé ?
Valentin, calmement, méthodiquement relata toute l’affaire : le paysan agressé par le pitbull, l’attaque du chien, sa difficile neutralisation, la descente en pick-up avec le paysan blessé, la séquence chez le médecin.
— Tu es sûr que c’est un pitbull ?
— Moi j’en suis absolument certain, déclara Gilles, j’ai moi-même un chien, un berger belge et je me suis intéressé à toutes les races de chiens, je sais les reconnaitre.
— Vous avez pris des risques insensés, en êtes-vous conscients ? Le pitbull est extrêmement dangereux quand il devient agressif.
— C’eut été encore plus dangereux de le laisser faire, vous ne trouvez pas ? déclara Emily. La réaction de notre ami Valentin a non seulement sauvé la vie de ce pauvre paysan mais peut-être aussi les nôtres ainsi que celles de randonneurs ou de glaneurs, ajouta-t-elle en regardant Gilles avec un sourire entendu.
— Comment avez-vous faire pour le neutraliser ? demanda Gilles.
— S’il est bien maitrisé, je lui ferai une piqûre pour l’endormir et le ramener à mon cabinet pour divers examens et identification.
— Et pour l’identifier ? demanda Emily.
— Normalement, tout animal domestique doit être repéré soit par un numéro tatoué dans l’oreille, soit par une puce électronique introduite sous la peau, puce qu’on peut lire avec un appareil spécial. Cela permet de retrouver le propriétaire et…
— Nous arrivons, coupa Valentin. Regardez, le chien est près de ces arbres un peu plus haut à gauche.
La bête, toujours attachée par la corde étrangleuse, la tête toujours encapuchonnée du sac à dos bleu de Valentin était couchée sur le flanc. Le vétérinaire prépara une seringue et s’approcha du chien.
— Vous n’avez pas peur ? s’inquiéta Emily.
— Vu la façon dont vous l’avez maitrisé, il est déjà plus ou moins endormi par les gaz de sa respiration, mais rassure-toi, je suis toujours méfiant quand je m’occupe d’un chien d’attaque. Voilà, c’est fait. Dans une minute il sera complètement dans les vapes, comme disent les jeunes.
— Je ne vous ai jamais vus dans le village, constata l’adjoint au maire, vous êtes résidents ?
— Mes parents possèdent un chalet de famille au Chinaillon, au Venay plus précisément.
— Quel est votre nom mademoiselle ?
— Je porte le nom de mon père, Gilmore, mais la famille de ma mère est de la région, c’est une Mermillod.
— Ah, d’accord, c’est bien un nom d’ici. Et vous autres ?
— Ce sont des amis, mes invités, ils sont de Saint Thomas du Lac.
À ce moment le chien tenta de se redresser, il eut un haut-le-cœur puis se mit à vomir.
— C’est une réaction normale à cet anesthésique, rassura le vétérinaire.
— Oui, mais il vomit dans mon sac de montagne ! reprocha Valentin.
— Désolé mon garçon, mais c’était plus prudent de le lui laisser jusqu’à l’endormissement. D’ailleurs, je crois que maintenant il dort. Je te rends ton sac.
— Il faut que je récupère aussi la corde et mon lacet de chaussure.
— Dis donc, tu as trouvé là une technique inédite de neutralisation, ajouta le vétérinaire en examinant le système pensé par Valentin, je te félicite pour ton imagination.
Valentin remercia d’un signe de tête, ouvrit la poche du rabat supérieur de son sac et en sortit son smartphone qu’il examina sous tous les angles avant de le remettre en fonctionnement avec un soupir de soulagement.
— Garde-le moi un instant tu veux bien ? dit-il en tendant l’appareil à Emily. Il récupéra son lacet, toujours entourant la brindille de bouleau au milieu de la corde, et relaça sa chaussure. Quand ensuite il examina l’intérieur de son sac, il recula la tête avec une grimace de dégoût.
— Va au fond du vallon, il reste un filet d’eau dans le ruisseau, tu pourras nettoyer tout ça, conseilla l’adjoint.
Pendant que Valentin descendait vers le ru et s’employait au nettoyage de son sac, l’adjoint au maire continua :
— Nous allons redescendre en embarquant le chien, que désirez-vous faire ? Voulez-vous redescendre avec nous, je vous reconduirai ensuite au Venay ?
— Non merci, nous allons remonter au col du Maroly à pied et redescendre au chalet des soldanelles ensuite, d’accord Gilles ? décida Emily.
— J’aime autant marcher, conforta Gilles.
— Bon d’accord. Je vais reculer la voiture jusqu’ici, ce sera plus pratique que de porter l’animal.
— Tiens, continua le vétérinaire en s’adressant à Gilles, puisque tu connais bien les chiens, viens m’aider à mettre celui-ci sur les sièges à l'arrière.
— OK, pas de problème. Dites-moi pourquoi certains chiens sont-ils méchants alors que d’autres sont gentils ?
— Cela dépend surtout de la façon dont ils ont été élevés et dressés. Avec des mauvais traitements il est évident que n’importe quel animal peut devenir agressif. Tiens, prend les pattes de derrière, je prends l’avant. Avant de l’embarquer, vous ne voulez toujours pas qu’on vous raccompagne ?
— Non merci, tout va bien maintenant, assura Valentin revenu avec un sac dégoulinant.
— Comme vous voudrez, mais soyez prudents, la montagne n’est pas toujours gentille. J’ajoute que vous avez raison d’en profiter aujourd’hui, demain il va faire un temps de chien !